AchevĂ© au bout de cinq ans, lâinfrastructure a mis un terme aux dangers et aux contraintes des anciens moyens de transport, ouvrant une nouvelle Ăšre pour les Ă©changes transfrontaliers
« Je vais souvent à Bongor pour des balades et des échanges fraternels, car nous sommes frÚres avec les Tchadiens, juste une limite naturelle nous sépare. Mais cette séparation a longtemps été marquée par des risques et des drames. »
Conseiller pĂ©dagogique Ă la dĂ©lĂ©gation dĂ©partementale de lâĂ©ducation de base du Mayo Danay Ă Yagoua, au Cameroun, Pierre Fissou, comme des milliers dâhabitants des rives du Logone, connaĂźt bien les pĂ©rils de la traversĂ©e. Pendant des annĂ©es, il a dĂ» emprunter des pirogues Ă moteur ou Ă pagaie, ou encore des bacs, parfois dĂ©fectueux. Il se souvient des moments oĂč, faute dâautres options, certains ont traversĂ© Ă la nage, affrontant non seulement les eaux capricieuses du fleuve en crue, mais aussi les menaces des hippopotames et le danger constant des chavirements.
« Il y avait trop de risques. Beaucoup de mĂ©saventures ont coĂ»tĂ© la vie Ă des gens, parfois mĂȘme des proches », se souvient-il avec tristesse.
RĂ©cemment, Pierre a eu la chance de traverser le nouveau pont Ă lâoccasion dâune visite autorisĂ©e. Ce quâil a vĂ©cu « dĂ©passe lâimaginaire », explique-t-il : « La traversĂ©e qui prenait 45 minutes Ă une heure nâa pris que quelques instants. Il nous a semblĂ© que nous Ă©tions sur le mĂȘme territoire. »
Pour lui, comme pour des milliers dâhabitants des deux rives du fleuve, ce pont est plus quâune infrastructure ; câest un rĂȘve devenu rĂ©alitĂ©, un trait dâunion entre deux peuples qui nâont jamais cessĂ© de se considĂ©rer comme Ă©tant dâune seule famille.
Nous pourrons atteindre de nouveaux marchés, sans risquer nos vies ni nos marchandises
Un projet dâintĂ©gration rĂ©gionale ambitieux
Le pont sur le Logone, construit avec le soutien financier de la Banque africaine de dĂ©veloppement, du Fonds africain de dĂ©veloppement, de lâUnion europĂ©enne, du gouvernement camerounais, et la collaboration des gouvernements camerounais et tchadien, est un investissement stratĂ©gique de plus de 578 millions dâeuros. AchevĂ© au bout de cinq ans, lâinfrastructure a mis un terme aux dangers et aux contraintes des anciens moyens de transport, ouvrant une nouvelle Ăšre pour les Ă©changes transfrontaliers.
En connectant Yagoua, commune de lâExtrĂȘme-Nord camerounais, et Bongor, ville mĂ©ridionale du Tchad, le pont soutient lâintĂ©gration rĂ©gionale, lâun des objectifs prioritaires des « High 5 » contenu dans la StratĂ©gie dĂ©cennale 2024-2033 du Groupe de la Banque africaine de dĂ©veloppement (https://apo-opa.co/49fWiKY).
Visitant lâouvrage le 27 novembre dernier, le directeur gĂ©nĂ©ral de la Banque pour lâAfrique centrale, Serge NâGuessan, a saluĂ© « un modĂšle de coopĂ©ration rĂ©gionale et un moteur de transformation Ă©conomique pour lâAfrique centrale ».
Le pont facilite non seulement les déplacements des personnes, mais aussi le transport des marchandises, réduisant les coûts logistiques et augmentant les opportunités commerciales. Les producteurs agricoles ainsi que les commerçants des deux rives, comme Fatimé Mahamat, voient déjà ses retombées économiques : « Nous pourrons atteindre de nouveaux marchés, sans risquer nos vies ni nos marchandises », se réjouit-elle déjà .
Le pont sur le Logone sâimpose dĂ©jĂ comme un pilier de dĂ©veloppement et dâunitĂ©. Pour les riverains comme Pierre Fissou, le pont est avant tout un symbole de sĂ©curitĂ© et de rapprochement. « Tout ce que nous attendons, câest la rĂ©ception officielle. Ce jour-lĂ , il y aura une explosion de joie que nous ne pourrons contenir », se rĂ©jouit-il par avance.
Avec cette rĂ©alisation, les deux pays voisins dâAfrique centrale prouvent que, malgrĂ© les dĂ©fis, une Afrique intĂ©grĂ©e et prospĂšre est Ă portĂ©e de main. Pour Pierre, FatimĂ© et leurs concitoyens, ce pont est bien plus quâun ouvrage ; câest la promesse dâun avenir meilleur.