« Ce qu’il faut, c’est plus d’échanges commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis, pas moins — Adesina »
Des dirigeants africains appellent les États-Unis à adopter des partenariats axés sur l’investissement et à réviser les tarifs douaniers

» Ce qu’il faut, c’est plus d’échanges commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis, pas moins — Adesina «
Les dirigeants africains ont appelé lundi à une révision urgente des droits de douane américains sur les exportations africaines, plaidant pour un passage à des partenariats transformateurs et à des investissements dans le potentiel économique du continent.

S’adressant à plus de 2 000 responsables gouvernementaux, chefs d’entreprise et autres participants lors du sommet économique États-Unis–Afrique à Luanda, la capitale angolaise, le président angolais João Lourenço a déclaré :
« Il est temps de remplacer la logique de l’aide par celle de l’investissement et du commerce. »
Il a exhorté les entreprises américaines à se diversifier au-delà de l’exploitation traditionnelle du pétrole et des minerais, et à investir dans des secteurs tels que la construction automobile, la construction navale, le tourisme, la production de ciment et la sidérurgie.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a ajouté :
« Nous ne cherchons pas de l’aide, mais à construire des solutions co-créées. »
Il a appelé à la suppression des tarifs punitifs et des restrictions de visa, soulignant que les 1,3 milliard d’habitants du continent et ses ressources abondantes restent parmi les plus grandes opportunités économiques inexploitées au monde.
« Ce sommet ne doit pas être qu’une rencontre, mais un appel à l’action. Avançons ensemble vers la prospérité, avec unité, ambition et en suivant l’Agenda 2063 », a-t-il déclaré.
Le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Dr Akinwumi Adesina, a pour sa part affirmé :
« Nous devons revoir les droits de douane élevés imposés aux pays africains. Ce qu’il faut, c’est plus de commerce entre l’Afrique et les États-Unis, pas moins. »
Le secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), Wamkele Mene, a renforcé le discours sur l’intégration du continent en insistant sur l’importance des marchés régionaux ouverts.
« La ZLECAf est une entreprise ambitieuse — elle doit l’être », a-t-il déclaré, précisant que son succès est crucial pour intensifier les investissements, réduire la fragmentation et accélérer le développement industriel à l’échelle du continent.
Du discours à l’action : construire de véritables partenariats
Le message principal est clair : l’ère de la dépendance à l’aide est révolue ; le temps est venu pour des partenariats d’investissement transformateurs. Les dirigeants ont appelé à des investissements audacieux et stratégiques pour libérer le potentiel de mille milliards de dollars de l’Afrique.

En réponse à cet appel à un engagement plus fort, des responsables américains ont reconnu l’importance économique croissante de l’Afrique et la nécessité de repenser les perceptions. Le haut fonctionnaire du département d’État américain, Troy Fitrell, a déclaré :
« Il existe des chefs d’entreprise américains qui doivent comprendre les opportunités qu’offre le commerce avec l’Afrique. Notre mission sera désormais de les trouver — et de les mobiliser. »
Le Sommet économique États-Unis–Afrique promeut la coopération et l’investissement économiques entre les deux parties, en favorisant une croissance durable et inclusive. Il réunit dirigeants publics, privés et de la société civile, pour discuter des enjeux clés et des opportunités, avec pour objectif d’impulser le développement des deux côtés.
Adesina a cité le corridor de Lobito comme exemple concret d’un investissement stratégique déjà en cours.
« C’est pourquoi la Banque africaine de développement est un partenaire stratégique des États-Unis, de l’Angola et de la Zambie pour le développement du corridor de Lobito », a-t-il précisé.
Ce corridor stratégique reliera les vastes régions de la Zambie et de la République démocratique du Congo au port de Lobito en Angola, facilitant les exportations de minerais, libérant le potentiel agricole et créant des emplois.
Le Fonds africain de développement, guichet de prêts concessionnels du Groupe de la Banque, apportera 500 millions de dollars pour soutenir ce développement. De plus, la Banque africaine de développement mobilisera 1 milliard de dollars sur cinq ans pour des investissements complémentaires autour du corridor : chaînes de valeur agricoles, routes et infrastructures énergétiques.
Agir selon les données, pas selon les perceptions
Le président de la Banque a poursuivi :
« Tandis que nous construisons des corridors de transport, construisons aussi des corridors de partenariat stratégique. Des partenariats qui priorisent l’investissement dans les infrastructures, l’agriculture, l’industrialisation des minerais, les infrastructures numériques et les marchés de capitaux. »
Il a lancé un appel aux investisseurs américains :
« Agissez selon les données, pas selon les perceptions. Pensez Afrique. Pensez opportunités. Pensez compétitivité. Des institutions comme la DFC (U.S. International Development Finance Corporation) à la Banque EXIM des États-Unis, en passant par les investisseurs institutionnels : investissez en Afrique. Rendons ensemble l’Amérique et l’Afrique grandes à nouveau. »
Remplacer la logique de l’aide par celle de l’investissement

La présidente du Corporate Council on Africa, Florie Liser, a encouragé les participants à adopter de véritables partenariats :
« Au-delà des accords commerciaux, visons une transformation durable. »
Lors de la cérémonie d’ouverture du sommet, le Council a remis à Dr. Adesina son Distinguished Economic Leadership Award, en reconnaissance de sa contribution remarquable à la transformation économique de l’Afrique.
Le vice-président du Conseil, Jean Raymond Boulle, lui a remis ce prix, saluant l’impact de la Banque sur des millions d’Africains sous la direction d’Adesina, et sa transformation en une institution de classe mondiale et partenaire privilégié.

Adesina, dont le second et dernier mandat de cinq ans à la tête du Groupe de la Banque africaine de développement s’achèvera le 31 août, a dirigé de nombreux projets transformateurs à travers l’Afrique. Son action s’est articulée autour des cinq priorités stratégiques de la Banque, les « High 5 », qui ont positivement impacté plus de 565 millions de personnes.
S’exprimant lors d’un événement de haut niveau organisé par Africa50, plateforme d’investissement spécialisée dans les infrastructures, Adesina a insisté sur l’urgence de développer des solutions de financement local — en monnaies locales — pour atténuer la volatilité des devises et renforcer la viabilité des projets pour les investisseurs internationaux.
Mobiliser le capital pour l’infrastructure africaine
L’événement, intitulé « Libérer le capital pour les infrastructures en Afrique grâce à des financements innovants », a réuni un panel de haut niveau sur le recyclage d’actifs, modéré par Richard Quest de CNN, avec notamment : Alain Ebobissé (DG d’Africa50), Brook Taye (DG d’Ethiopia Investment Holdings), et Armando Manuel (président du Fonds souverain d’Angola).
Alain Ebobissé a expliqué que ce modèle, déjà mis en œuvre avec succès ailleurs, poursuit trois objectifs :
- Monétiser les actifs — transformer, par exemple, un pont en liquidités réutilisables ;
- Améliorer la performance des actifs avec des opérateurs de classe mondiale ;
- Attirer les fonds de pension et les investisseurs intéressés par des flux de trésorerie stables.

Adesina a rappelé que la Banque africaine de développement a investi plus de 55 milliards de dollars dans les infrastructures en dix ans, faisant d’elle le principal bailleur de fonds en Afrique dans ce domaine.
La BAD a créé Africa50 comme plateforme de capital-investissement, avec une société de développement de projets et une autre de financement de projets, pour bâtir des infrastructures rentables sur le continent.
La part manquante de l’Afrique dans une opportunité mondiale de 2 900 milliards de dollars
Adesina a indiqué que depuis sa création, Africa50 a investi dans des projets d’une valeur supérieure à 8 milliards de dollars.

« Mais davantage est nécessaire, surtout du secteur privé », a-t-il ajouté.
L’Afrique, selon lui, devrait capter une part significative du marché mondial des obligations vertes (2 900 milliards $), mais elle ne représente actuellement qu’un peu moins de 1 % de ces émissions.
La BAD a lancé l’Alliance pour les infrastructures vertes en Afrique (AGIA), pour mobiliser 500 millions $ pour la préparation de projets et 10 milliards $ pour les investissements verts. Africa50 est le partenaire général du fonds de développement AGIA, avec plusieurs partenaires limités, dont les pays du G7.
Afin de mutualiser les garanties à grande échelle, la BAD va créer une Agence africaine de gestion des risques, qui regroupera les instruments de garantie existants. Elle couvrira les risques liés aux capitaux propres, au climat, au refinancement et aux contextes politiques.
Africa50 pilote également le recyclage d’actifs, permettant aux États de transférer des infrastructures existantes au secteur privé pour récupérer des liquidités et réduire leur endettement.
« Le pont de Sénégambie, financé à hauteur de 104 millions $ par la BAD, a été le premier projet utilisé dans le cadre du recyclage d’actifs. Le programme a été un succès, car la Gambie a pu récupérer la totalité de sa mise initiale via Africa50 », a précisé Adesina.
Un soutien politique fort au sommet
Ce regain de dynamisme pour les partenariats économiques États-Unis–Afrique a reçu un soutien politique de haut niveau, avec la participation de sept chefs d’État, de plusieurs Premiers ministres et dirigeants d’organisations régionales clés.

Parmi les personnalités présentes figuraient les présidents :
- Denis Sassou Nguesso (Congo),
- Faustin-Archange Touadéra (RCA),
- Félix Tshisekedi (RDC),
- Taye Aske Selassie (Éthiopie),
- Duma Gideon Boko (Botswana),
- Netumbo Nandi-Ndaitwah (Namibie),
- Brice Clotaire Oligui Nguema (Gabon).
Ainsi que les Premiers ministres :
- Gervais Ndirakobuca (Burundi),
- Robert Beugré Mambé (Côte d’Ivoire),
- Russell Mmiso Dlamini (Eswatini),
- Manuel Osa Nsue Nsua (Guinée équatoriale),
- Christian Louis Ntsay (Madagascar),
et la Vice-première ministre du Lesotho, Nthomeng Justina Majara.
Le sommet a également accueilli Mahamoud Ali Youssouf (président de la Commission de l’Union africaine), l’ambassadeur Gilberto Da Piedade Verissimo (président de la CEEAC) et Elias M. Magosi (secrétaire exécutif de la SADC).