La construction de l’infrastructure a coûté 112,79 millions d’euros, supportée par le Groupe de la Banque africaine de développement à hauteur de 66,6 millions d’euros
L’ambiance est festive en cette matinée du lundi 28 avril à Yagoua, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Sous un soleil mordant, le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, et son homologue tchadien, Allamaye Halina, coupent le ruban symbolique et dévoilent les plaques commémoratives de l’inauguration du pont sur le fleuve Logone qui relie les deux pays d’Afrique centrale.

L’ouverture officielle de l’infrastructure à la circulation a réuni les hautes autorités des deux pays voisins ainsi que leurs partenaires, notamment le Groupe de la Banque africaine de développement représentée par Marie-Laure Akin-Olugbade, sa vice-présidente principale, et Solomane Koné, son directeur général par intérim pour l’Afrique centrale, et des responsables de l’Union européennes résidant au Tchad et au Cameroun.
Des chefs traditionnels et coutumiers des régions de l’Extrême-Nord et du Logone, des représentants du secteur privé et de la société civile et des administrations locales de Bongor au Tchad et de Yagoua sont aussi au rendez-vous. Tous arborent fièrement leurs habits de fête, uniformes officiels ou costumes traditionnels.
Les festivités sont ponctuées d’animations culturelles hautes en couleur avec des chants et danses traditionnels de troupes venues des deux pays.
« Ce pont est une promesse de prospérité pour les populations de Yagoua et de Bongor, une promesse de sécurité pour ceux qui traversaient le fleuve dans des conditions précaires, une promesse de développement de notre sous-région », déclare avec fierté le chef du gouvernement camerounais.
« En tant que fils du Tchad, je suis particulièrement ému de voir ce projet prendre vie. Permettez-moi une anecdote personnelle. Lors d’une conversation que j’ai eue avec un habitant de Yagoua, celui-ci me confia les risques qu’il prenait pour traverser le fleuve en pirogue pour rendre visite à sa famille à Bongor. Aujourd’hui, grâce à ce pont, de telles traversées dangereuses appartiendront au passé », se félicite son homologue du Tchad Allamaye Halina. « Ce pont est un symbole. Il est le reflet de nos liens historiques et culturels, de cette fraternité qui unit le Tchad et le Cameroun depuis des siècles. » Au nom du président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, M. Halina a proposé de baptiser l’infrastructure « Pont de l’amitié Tchad-Cameroun ».
Un projet d’envergure à fort impact régional
Le pont sur le Logone a été construit dans le cadre du Projet régional intégrateur du réseau routier dans le bassin du Lac Tchad. La construction de l’infrastructure a coûté 112,79 millions d’euros, supportée par le Groupe de la Banque africaine de développement à hauteur de 66,6 millions d’euros. L’Union européenne a apporté 40 millions d’euros et le Cameroun une contribution de 6,27 millions d’euros
» En renforçant la connectivité entre ces deux pays, ce pont contribue à la réduction des poches de fragilité et à la dynamisation de l’économie régionale « .
L’infrastructure s’accompagne d’une route de raccordement de 14,18 kilomètres.
L’inauguration du pont « marque une étape essentielle pour l’intégration des deux pays ainsi que pour le développement économique et social de la région », salue Marie-Laure Akin-Olugbade. Cette route « contribuera à améliorer l’efficacité des échanges commerciaux et créer de nouvelles opportunités pour les entreprises et les populations des deux côtés de la frontière. En renforçant la connectivité entre ces deux pays, ce pont contribue à la réduction des poches de fragilité et à la dynamisation de l’économie régionale », assure-t-elle.
Quelque 500 emplois directs ont été créés durant la phase de construction du pont et de nombreuses opportunités d’emplois indirects sont attendues lors de son exploitation, en particulier grâce à la redynamisation des activités économiques dans la région. Il apportera ainsi des bénéfices socioéconomiques majeurs : un meilleur accès aux services de base, une réduction des coûts agricoles et de transport, et une facilitation des échanges commerciaux. En désenclavant les zones économiquement fragiles, cette infrastructure contribuera au renforcement de la cohésion sociale, à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté, tout en renforçant l’intégration régionale en Afrique centrale.
Soulagement des populations
Les populations de Yagoua et de Bongor, présentes en nombre pour assister à ce moment historique, hument désormais un air chargé d’espoir et d’optimisme.
« Je fais presque tous les jours le trajet Yagoua-Bongor. Ce pont est une grande joie pour nous, il nous facilite vraiment la vie. Nous sommes très reconnaissants. Comme on dit, là où la route passe, le développement suit », se réjouit Marie Béatrice Tikamda Moussa, commerçante tchadienne.
Même si en cette période de l’année, le cours du Logone paraît réduit, éloigné de ses rivages par la sécheresse et le soleil brulant de l’Extrême-Nord du Cameroun, il ne faut pas s’y tromper : il se montre redoutable et dangereux en saison des pluies quand il retrouve toute son ampleur et se peuple d’hippopotames. La traversée en bac ou en pirogue peut alors devenir dramatique.
« Avant, nous transportions nos matériels avec des pirogues qui chaviraient souvent, surtout pendant la saison des pluies. Nous perdions beaucoup de matériel et parfois même des vies humaines », témoigne Rigobert Wamalamou, entrepreneur soudeur et résident de Yagoua. « Aujourd’hui, grâce au pont, nous allons développer de nombreuses activités qui nous permettront de gagner plus d’argent et cela améliorera les conditions de vie des populations de Yagoua et de Bongor. Le pont facilitera les échanges : les Tchadiens pourront transporter leurs marchandises au Cameroun, et les Camerounais pourront faire de même vers le Tchad », souligne-t-il, sourire aux lèvres.
À quelques encablures du pont sur le Logone, des pirogues et des bacs sont à l’abandon. Ils ne seront plus utilisés pour aller de Yagoua à Bongor et vice versa. Désormais, la traversée se fera à pied, à moto, à vélo ou en voiture. En toute sécurité.