L’IMPACT DU CHOIX DES FOURNISSEURS SUR LA SECURISATION DE LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

1- INTRODUCTION

Les entreprises doivent aujourd’hui s’adapter et proposer du surmesure pour rester compétitives. Elles doivent revoir le mode de production, mais également tous les processus logistiques d’achat, d’approvisionnement et de transport pour réussir à proposer l’offre adaptée aux clients.

La compétition féroce qui existe dans les marchés mondiaux actuels et l’exigence des consommateurs a poussé les entreprises à investir et à s’intéresser aux relations avec leurs clients et aussi avec leurs fournisseurs. En effet, la tendance à la globalisation des approvisionnements, à la délocalisation de la production, à la réduction de la base de fournisseurs a aujourd’hui contribué à la fragilité des fournisseurs et donc de la chaîne d’approvisionnement.

De même que les techniques de réduction des coûts employées ces dernières décennies, ont certes permis d’atteindre des niveaux de performance supérieurs, mais tout cela s’est fait au détriment de la robustesse et de la résistance de la chaîne d’approvisionnement.

Les dirigeants ont aujourd’hui pris conscience du fait que l’intégration et la gestion réussies des principaux processus de leurs chaînes d’approvisionnement pouvaient avoir une influence déterminante sur la compétitivité de leur entreprise.

Une chaîne d’approvisionnement constitue le réseau de toutes les personnes, entreprises, ressources, activités et technologies impliquées dans la création et la vente d’un produit, et ce de la livraison des matières premières au fournisseur jusqu’à la mise à disposition finale côté consommateurs.

Chaque euro ou dollar sauvé en chaîne d’approvisionnement est un euro ou dollar supplémentaire en bénéfice direct pour l’entreprise. Malgré cette réalité, de nombreuses entreprises ne prennent pas le temps de bien gérer cet aspect stratégique important, souvent par manque de temps ou d’effectifs spécialisés en la matière.

Or cette chaîne d’approvisionnement est devenue de plus en plus complexe à gérer par la multiplication des intervenants (internes/externes), des flux (nationaux/internationaux), des contraintes réglementaires, ce qui a pour conséquence d’augmenter les risques auxquels elle doit faire face.

La gestion des risques occupe un rang remarquablement élevé dans les priorités liées aux chaînes d’approvisionnement.

Les risques qui peuvent la perturber sont nombreux qu’ils soient industriels, qu’ils portent sur la qualité, la logistique, la géopolitique, l’environnement, le climat. Aujourd’hui vient s’ajouter la cybercriminalité qui s’attaque aux systèmes informatiques des entreprises et qui met en danger la chaîne d’approvisionnement.

La gestion des risques de la chaîne d’approvisionnement est la faculté avec laquelle l’entreprise mettra tout en œuvre pour identifier, surveiller, détecter et atténuer les risques qui pourraient avoir une conséquence plus ou moins fatale sur sa pérennité et sur sa rentabilité.

La perturbation de la chaîne d’approvisionnement doit être traitée rapidement et en toute efficience, aucun maillon de la chaîne ne doit être épargné dans la gestion des risques.

L’enjeu est souvent compris mais pas toujours maîtrisé, les entreprises manquent souvent de maturité, et de compétences dans ce domaine.

Un des enjeux de la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement est le choix des fournisseurs.

2 – LE CHOIX DES FOURNISSEURS

En effet le choix des fournisseurs est à mon avis une des tâches les plus importantes des acheteurs. Il doit répondre à plusieurs objectifs : sécuriser la chaîne d’approvisionnement, maintenir voire augmenter la marge et bien entendu satisfaire les clients finaux pour contribuer à la pérennité et la performance de l’entreprise.

De nombreux acheteurs l’oublient !
Or il est prouvé que la robustesse d’un fournisseur est un élément majeur dans l’atténuation des risques, c’est pourquoi la gestion des risques liés à la chaîne d’approvisionnement devient une priorité absolue dans les Achats.

Il est à noter que même si les fournisseurs ont conscience de l’intérêt d’avoir une organisation solide leur permettant de minimiser les risques, tous ne sont pas au même niveau de maturité et en cela l’acheteur a son rôle à jouer.

L’acheteur avisé a une vue générale sur les différents fournisseurs qui s’offrent à lui, il en maîtrise davantage les risques potentiels.

L’inclusion de critères de risques lors de la qualification des fournisseurs est essentielle. Et la gestion de ces risques se prolonge dans le processus de contrôle lors de la mise en place de l’évaluation fournisseur et le suivi des indicateurs (taux de litiges en réception, non-conformité des produits, retard de livraison, taux de service, etc..).

Il est évident qu’une collaboration soutenue avec les fournisseurs doit se mettre en place par le biais d’actions préventives et/ou correctives, limitant les risques.

Il apparaît donc que l’impact du choix des fournisseurs est primordial pour la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement. Cette sécurisation se joue lors des phases de présélection et de sélection des fournisseurs mais également dans le suivi, la collaboration et le partenariat.

Ray Carter Consultant américain a défini les 10 critères pour sélectionner et évaluer un fournisseur :

1 – Les Compétences
Ce fournisseur détient-il toutes les compétences requises pour délivrer le service ou le produit attendu ?

2 – La Capacité
Est-il capable de s’adapter aux variations des quantités commandées ? Un point particulièrement critique lors de pics d’approvisionnements si le fournisseur est dans l’impossibilité de vous livrer le volume demandé en temps et en heure.

3 – L’Engagement
Le futur partenaire potentiel peut-il s’engager sur un niveau de qualité de produit et service (comme le respect de délai) ? Un critère important pour maîtriser la sécurité des approvisionnements et la qualité de votre production.

4 – Le Contrôle qualité
Quels sont les contrôles réalisés ? Comment les processus et procédures sont-ils maîtrisés ?

5 – La Solidité financière
Quelle est sa solidité financière ? Possède-t-il les ressources requises pour financer son activité de manière pérenne ? A-t-il les reins suffisamment solides pour vous accompagner dans votre développement ? Construire un partenariat à long terme ne peut se réaliser qu’avec des fournisseurs possédant des actifs financiers sains.

6 – Le Coût des produits
Quels sont ses tarifs de vente des produits et services ? Quelles conditions financières accorde-t-il ? Ses prix sont-ils compétitifs par rapport à la concurrence ?

7 – La Constance
Quels sont les méthodes et moyens mis en œuvre pour s’assurer de la livraison d’un produit identique : mêmes caractéristiques, même niveau de qualité, etc. ?

8 – La Culture
Le fournisseur possède-t-il une culture d’entreprise proche de la vôtre ? A-t-il les mêmes préoccupations que vous ? Trop d’écart peut faire naître des incompréhensions, des différences de valeur et de jugement.

9 – L’Ethique
Quel est le degré d’engagement du fournisseur dans le respect de l’environnement ? Est-il en conformité avec les normes environnementales inhérentes à ses domaines d’activité ? Est-ce une entreprise éthique ?

10 – La Communication
Quels sont les moyens de communication utilisables avec ce fournisseur (courriel, téléphone, EDI, etc..) ? Qui seront vos interlocuteurs ? Au quotidien ? Pour une urgence ? C’est un critère qui ne vient pas forcément à l’esprit dans le choix d’un partenaire. Et pourtant savoir que son contact est capable de s’engager au nom de son entreprise ou encore qu’il soit disponible et possède suffisamment de poids pour accélérer les procédures en cas de besoin… sont des atouts qui comptent. Afin de compléter et de sécuriser mon choix des fournisseurs J’ajouterai à cette liste les points suivants :

11 – La Confiance
Pour un acheteur, acquérir la confiance du fournisseur potentiel est un point essentiel dans la prise de décision de travailler avec lui.

12 – Le Partenariat
Une relation solide profitera aux deux parties. Vous voulez que vos fournisseurs reconnaissent combien votre entreprise est importante pour eux, afin qu’ils n’épargnent aucun effort pour fournir le meilleur service possible.

13 – L’innovation
Le fournisseur est-il en mesure de proposer des innovations ? Le service achats est -il en mesure de solliciter l’innovation des fournisseurs ? Est-il être capable de communiquer clairement sur ses axes stratégiques d’innovation. Il ne s’agit surtout pas de brider la créativité, mais d’orienter les propositions vers les priorités stratégiques de l’entreprise.

2 – AUTRES MOYENS POUR SECURISER LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT,

2.1- La répartition du risque sur 2 fournisseurs

Un des moyens est de répartir les marchés et de réduire les risques en matière d’approvisionnement entre 2 ou plusieurs fournisseurs.

Plusieurs choix se proposent à l’acheteur pour la répartition des quantités entre 2 fournisseurs :

• 90/10
• 80/20
• 70/30
• 60/40
• 50/50

La répartition à 50/50 paraîtrait la solution idéale, cependant si les fournisseurs connaissent la répartition du marché, les leviers de négociation de l’acheteur n’auront que peu d’effet.

Quant à la répartition à 90/10, 80/20 ou 70/30, il faut être conscient que les fournisseurs à 10, 20 ou 30 % mettront un certain temps à augmenter leur production pour remplacer le fournisseur défaillant à 90, 80 ou 70 % d’où un risque pour la chaîne d’approvisionnement.

La solution la plus utilisée par les acheteurs est la répartition à 60/40 car elle présente un double avantage, d’une part challenger les 2 fournisseurs chaque année sur les différents critères coûts, qualité, délais, innovation, afin de répartir les 60 % au meilleur des 2 et d’autre part en cas de défaillance du fournisseur à 60 % il sera plus aisé pour celui qui détient 40 % du marché d’assurer l’approvisionnement des quantités nécessaires.

2.2 La mise en place d’un plan de sécurisation des approvisionnements avec les fournisseurs

Les constructeurs automobiles ont, depuis plusieurs années, exigé de leurs fournisseurs et sous-traitants la mise en place des plans de sécurisation des approvisionnements. L’objectif de ces plans est l’anticipation des risques par l’élaboration des plans « B » fiables et rapides à mettre en œuvre. Le plan de sécurisation a pour but comme son nom l’indique de sécuriser les approvisionnements mais également de démontrer aux clients que tous les scénarii ont été pris en compte en cas de difficultés du fournisseur A :

• Choix du fournisseur B

o Solidité financière
o Analyse de ses capacités de production
o Analyse de ses machines
o Vérification de l’adaptabilité des outillages
o Délai d’approvisionnement des matières premières
o Etc…

Il faut avoir en mémoire que l’impact d’un arrêt de chaîne d’une usine chez les constructeurs automobiles avoisine le million d’euros par jour.

CONCLUSION
Longtemps, les entreprises ont cherché à affaiblir les fournisseurs pour s’assurer leur propre contrôle des profits. Cela démontrait que leurs dirigeants avaient une méconnaissance des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et leur obsession était capable de mettre leurs propres entreprises en danger.

Parce que les chaînes d’approvisionnement clients -fournisseurs sont de plus en plus liées les unes aux autres, ces dirigeants ont pris conscience que l’intérêt pour l’entreprise est de faire de ses fournisseurs de vrais partenaires avec pour objectif d’étendre la collaboration, d’instaurer une confiance mutuelle et une répartition réelle des profits.

C’est à ces conditions que l’entreprise assurera la sécurité et la continuité de sa chaîne d’approvisionnement et lui permettra d’asseoir sa performance et sa pérennité.

Par Louis Languenou – Expert achat-approvisionnment / Formateur