Le commerce intra-africain pourrait être une réponse stratégique aux droits de douane américains

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait servir de réponse stratégique à la guerre tarifaire menée par le président américain Donald Trump, en offrant un marché de 3 400 milliards de dollars potentiellement accessible sans paiement de droits de douane.

C’est ce qu’a suggéré Paulina Mamogobo, économiste en chef de la NAAMSA (Conseil de l’industrie automobile), lors du petit-déjeuner des PDG d’Automechanika à Johannesburg la semaine dernière, en s’adressant aux dirigeants de l’industrie automobile sud-africaine.

L’événement, organisé par Messe Frankfurt South Africa au Centurion Country Club, était placé sous le thème « La connexion africaine » et portait sur les grandes mutations de l’environnement commercial mondial.

« Alors que nous devons composer avec l’évolution des accords commerciaux, des tarifs douaniers et des relations internationales, les entreprises automobiles sud-africaines cherchent activement de nouveaux partenariats et débouchés », a déclaré Michael Dehn, directeur général de Messe Frankfurt, devant les invités.

« Les discussions menées lors de ces événements reflètent les tendances actuelles du secteur. Les entreprises s’adaptent aux changements rapides et se repositionnent dans des cadres commerciaux en mutation, comme la ZLECAf, l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), ou encore au sein des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud », a-t-il ajouté.

Paulina Mamogobo a précisé que l’Union européenne restait la principale destination des exportations automobiles sud-africaines, représentant plus de 76 % de celles-ci.

Les récents droits de douane imposés par les États-Unis ont fortement impacté le secteur automobile, avec l’instauration de tarifs de 25 % sur les véhicules et les pièces détachées – entrés en vigueur respectivement en mars et mai 2025 – auxquels s’ajoute une taxe de base de 10 % sur toutes les importations.

Avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles réglementations, 99 % des véhicules et composants automobiles sud-africains entraient aux États-Unis dans le cadre de l’AGOA, bénéficiant d’une exonération de droits de douane.

Le secteur automobile constitue un pilier des exportations sud-africaines : les véhicules et pièces représentent 15 % des exportations totales vers les États-Unis, qui sont le deuxième plus grand marché d’exportation du pays.

Mamogobo a indiqué que les droits de douane imminents avaient déjà eu un impact anticipé sur les chiffres du premier trimestre 2025 : les exportations vers les États-Unis sont passées de 6 % en 2024 à 2 % au T1 2025. Cette baisse a toutefois été compensée par d’autres destinations d’exportation.

Elle a présenté la ZLECAf comme une réponse stratégique à ces défis, créant un marché de 3 400 milliards de dollars à travers 44 pays africains, en éliminant les barrières tarifaires et en stimulant le commerce intra-régional. Elle a cependant reconnu que les lacunes en matière d’infrastructures demeuraient un obstacle majeur à la pleine réalisation de ce potentiel.

La NAAMSA présentera des informations complémentaires sur l’impact des droits de douane américains lors du lancement de son Manuel du commerce automobile, prévu le 15 mai.

Ronel Oberholzer, responsable des analyses économiques de l’Afrique subsaharienne chez S&P Global Market Intelligence, a souligné que le paysage automobile mondial était encore complexifié par la surproduction de véhicules chinois, notamment de véhicules électriques, susceptibles d’envahir les marchés africains. Cela constituerait une concurrence directe pour l’industrie manufacturière sud-africaine, tandis que l’avantage du faible coût indien accentuerait la pression concurrentielle.

Elle a précisé que les pays des BRICS ne représentaient pas forcément de nouveaux débouchés pour les produits sud-africains finis, mais plutôt des sources potentielles d’investissements supplémentaires en Afrique.

Jenny Tala, directrice de Germany Trade and Invest pour l’Afrique australe, a déclaré que les tarifs imposés par les États-Unis annulaient de facto les avantages offerts par l’AGOA, compromettant la compétitivité de l’industrie automobile sud-africaine.

Elle a recommandé aux entreprises de diversifier leurs marchés d’exportation, en étendant leurs relations commerciales régionales et internationales.

Duane Newman, associé chez EY Afrique du Sud, a affirmé que le pays pourrait tirer profit des tensions commerciales mondiales entre les grandes puissances automobiles, notamment dans le contexte des politiques protectionnistes de l’administration Trump.

Selon lui, l’Afrique du Sud pourrait attirer davantage d’investissements alors que les constructeurs mondiaux cherchent à délocaliser leur production hors du Mexique et de la Chine.

Newman a ajouté que la baisse d’intérêt de l’administration américaine pour les véhicules à énergies nouvelles (NEV) pourrait favoriser les fabricants sud-africains, qui produisent encore majoritairement des véhicules thermiques (ICE).

Mais Donald MacKay, PDG de XA Global Trade Advisors, a averti que l’industrie automobile africaine devait relever un défi majeur : les infrastructures insuffisantes, notamment des réseaux routiers et ferroviaires sous-développés, qui génèrent des coûts de transport élevés.

Le transport ferroviaire, bien qu’environ cinq fois plus cher que le transport maritime, reste deux fois moins coûteux que le transport routier, soulignant la nécessité d’investissements dans les infrastructures pour soutenir le commerce automobile à travers le continent.

Pour plus d’informations sur l’exposition ou la participation à Automechanika Johannesburg 2025, visitez : www.automechanikasa.co.za

Source : FREIGHT NEWS