RDC : Kasumbalesa, le pari logistique à 600 millions de dollars pour désengorger le principal goulet d’étranglement régional

Après près de vingt ans d’attente, le projet du port sec de Kasumbalesa entre enfin dans sa phase de concrétisation. Le 1ᵉʳ décembre à Kinshasa, la République démocratique du Congo a signé un contrat de concession stratégique entre l’Office de gestion du fret multimodal (Ogefrem) et le consortium sud-africain Yellowstone, pour un investissement estimé à près de 600 millions de dollars. Une infrastructure clé pour transformer l’un des points frontaliers les plus congestionnés d’Afrique australe.

Une signature longtemps attendue

La cérémonie, présidée par le vice-Premier ministre en charge des Transports, Jean-Pierre Bemba, marque l’aboutissement d’un long processus institutionnel. Dès 2004, l’État congolais avait acquis la concession foncière dédiée au projet dans le Haut-Katanga. Une première pierre avait même été posée en 2018, sans qu’aucun chantier ne suive.

C’est sous l’impulsion du 14ᵉ directeur général de l’Ogefrem, William Kazumba Mayombo, que le dossier a été relancé et mené à son terme. Le contrat signé respecte l’ensemble des exigences légales encadrant les partenariats public-privé (PPP), un point salué par les autorités dans un contexte où la crédibilité des grands projets d’infrastructures reste scrutée de près.

Kasumbalesa, cœur névralgique – et point de rupture – du commerce régional

Kasumbalesa n’est pas une frontière ordinaire. Ce poste est le principal point de passage entre la Copperbelt zambienne et l’ex-Katanga congolais, par où transite une part majeure des exportations minières de la RDC, notamment le cuivre et le cobalt. Il se situe à l’intersection de plusieurs corridors reliant le pays à au moins sept ports maritimes majeurs : Durban, Dar es-Salaam, Beira, Nacala, Walvis Bay, Lobito et Luanda.

Mais ce rôle stratégique s’accompagne d’un chaos logistique chronique. Les files de camions s’étirent régulièrement sur plus de dix kilomètres, avec des délais d’attente pouvant dépasser cinq jours. Un goulet d’étranglement coûteux pour les opérateurs, risqué pour la sécurité et pénalisant pour la compétitivité des chaînes d’approvisionnement régionales.

Un port sec pour rationaliser la supply chain transfrontalière

Le futur port sec de Kasumbalesa se veut une réponse structurelle à ces dysfonctionnements. Conçu comme une plateforme logistique intégrée, il doit centraliser les opérations aujourd’hui dispersées : contrôles douaniers, stationnement, stockage, gestion du trafic et services administratifs.

Selon les termes du contrat de concession de 23 ans, Yellowstone Consortium devra financer, construire, équiper et exploiter l’infrastructure. Le projet prévoit notamment :

  • jusqu’à 34 000 m² d’entrepôts extensibles ;

  • deux zones dédiées aux conteneurs ;

  • des parkings pouvant accueillir au moins 1 800 camions ;

  • un dépôt d’hydrocarbures ;

  • des bâtiments administratifs pour les services douaniers ;

  • une caserne de sapeurs-pompiers et des installations énergétiques et hydrauliques.

Une réserve foncière est également prévue pour accueillir des services annexes : station-service, ateliers de maintenance, commerces et prestations logistiques complémentaires.

Emploi, corridors et crédibilité logistique

Les autorités avancent la création de près de 2 000 emplois directs et 5 000 indirects, ainsi qu’un effet structurant sur le corridor sud, axe vital pour les échanges avec l’Afrique australe. À terme, l’objectif est clair : réduire les délais de transit, abaisser les coûts logistiques et renforcer la fiabilité de la supply chain minière et commerciale congolaise.

Reste un enjeu majeur : celui de l’exécution. De nombreux experts rappellent que des études et annonces autour du port sec de Kasumbalesa existent depuis près de deux décennies. Dans un environnement logistique parmi les plus sollicités du continent, la capacité de Yellowstone à livrer le projet dans les délais et à en assurer une exploitation performante sera déterminante.

Pour la RDC, Kasumbalesa n’est pas seulement un chantier d’infrastructure. C’est un test de crédibilité logistique à l’échelle régionale.