Les taxes carbone aux frontières menacent les exportations sud-africaines, selon une étude

Les taxes carbone aux frontières menacent les exportations sud-africaines, selon une étude

Les principales industries exportatrices d’Afrique du Sud deviennent de plus en plus vulnérables face à la montée des politiques climatiques telles que les taxes carbone aux frontières, selon une étude publiée par Net Zero Tracker.

Environ 422 000 emplois sud-africains dépendent des exportations vers des pays ayant déjà mis en œuvre ou prévoyant d’introduire un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), indiquent les chercheurs dans un rapport publié lundi.

« C’est une mauvaise nouvelle pour l’Afrique du Sud », a déclaré John Lang, responsable du projet chez Net Zero Tracker, un organisme géré par quatre entités, dont l’Energy and Climate Intelligence Unit du Royaume-Uni. « Le choc interviendra dès l’année prochaine. »

L’Afrique du Sud a rejoint l’Inde et le Brésil pour protester contre les CBAM, perçus comme une forme de protectionnisme commercial. Elle a menacé de déposer une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Principales destinations des exportations sud-africaines

La Chine et l’Union européenne figurent parmi ses partenaires commerciaux clés.

Ces taxes auront des conséquences sur l’emploi, les inégalités et la lutte contre la pauvreté, dans l’une des sociétés les plus inégalitaires du monde, ont souligné les auteurs, appelant les pays riches à soutenir la décarbonation de l’économie sud-africaine.

Les mécanismes d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) visent à réduire les émissions en imposant aux importations les mêmes taxes carbone que celles appliquées aux biens produits localement selon des méthodes intensives en carbone. L’Union européenne, deuxième partenaire commercial de l’Afrique du Sud après la Chine, commencera à appliquer son CBAM dès l’an prochain. Le Royaume-Uni prévoit d’en faire autant, tandis que d’autres pays comme l’Australie et le Japon y réfléchissent également.

L’Afrique du Sud, qui dépend du charbon pour environ 80 % de sa production d’électricité, possède l’économie la plus carbonée du G20.

Selon Net Zero Tracker, le secteur des métaux de base, qui représentait près d’un tiers des exportations sud-africaines en 2023, émet presque deux fois plus de CO₂ par unité exportée que son concurrent le plus proche. Si les CBAM s’étendent à d’autres secteurs que les matières premières — comme les chercheurs le prévoient — d’autres industries sud-africaines seront également menacées :

  • Le secteur automobile sud-africain affiche les deuxièmes émissions les plus élevées au monde,
  • Et ses producteurs agricoles émettent trois fois plus que certains pays comparables.

Au total, 78 % des exportations sud-africaines sont destinées à des pays ayant des objectifs de neutralité carbone, selon l’étude. Ces exportations soutiennent au total 1,2 million d’emplois.

« Pour l’Afrique du Sud, c’est à la fois un avertissement et une opportunité », écrivent les auteurs.
« Décarboner la production n’est pas seulement un impératif climatique : c’est une nécessité stratégique pour rester compétitif à l’échelle mondiale. »

Des risques, mais aussi des atouts économiques

Même si les taxes carbone aux frontières créent des risques à court terme, l’Afrique du Sud dispose aussi d’atouts économiques : des ressources en énergies renouvelables, des minéraux critiques, et l’accès à de grands cadres commerciaux et diplomatiques.

Détenant les plus grandes réserves mondiales de manganèse et de chrome, utilisés notamment dans les piles à combustible, le pays pourrait devenir un fournisseur stratégique pour la transition énergétique mondiale. Une collaboration renforcée entre les pays des BRICS — Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud — pourrait contribuer à établir de nouvelles chaînes d’approvisionnement. L’investissement international sera également essentiel pour accompagner cette transition.

Net Zero Tracker appelle l’Afrique du Sud à capitaliser sur l’accord de financement climatique de 8,3 milliards de dollars signé avec certains pays les plus riches. Le Partenariat pour une transition énergétique juste (Just Energy Transition Partnership), signé en 2021 avec la France, l’Allemagne et d’autres, vise à fournir des financements concessionnels pour réduire la dépendance du pays au charbon. Toutefois, la présidence sud-africaine a indiqué en octobre dernier qu’il y avait un manque de projets bancables.

Net Zero Tracker est une initiative conjointe du Data-Driven EnviroLab, de NewClimate Institute, d’Oxford Net Zero, et de l’Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU).

Source : Bloomberg