Le corridor Dakar-Bamako : résilience et défis face à la concurrence

Axe historique et vital pour le Mali, le corridor logistique Dakar-Bamako connaît une période de profonde mutation. En 2024, en dépit d’un climat géopolitique complexe et de l’émergence de routes alternatives, le Port Autonome de Dakar (PAD) a confirmé sa position centrale dans la chaîne d’approvisionnement du Mali, en gérant un flux de marchandises important. L’examen des données récentes du port permet de décrypter les dynamiques actuelles de cette route stratégique, soumise à de fortes pressions.

Un trafic portuaire qui tient bon malgré les tensions

Le PAD a affiché une croissance remarquable de 7 % de son trafic annuel global en 2024, atteignant 24,6 millions de tonnes. Cette performance est d’autant plus notable qu’elle fait suite à une contraction de 10 % enregistrée au premier semestre. Cette progression a été principalement tirée par une forte dynamique des exportations, notamment celles destinées au Mali.

Le transit malien, souvent considéré comme un indicateur clé de la santé du corridor, a en effet progressé, même dans le contexte des incertitudes politiques engendrées par la rupture avec la CEDEAO.

Un basculement dans la structure du trafic

L’année 2024 a été marquée par une envolée des exportations via Dakar, qui ont bondi de 59 % pour dépasser les 6,2 millions de tonnes. Cette hausse spectaculaire est largement attribuable au trafic de « transit Mali sortie », qui englobe principalement les hydrocarbures, le ciment et les produits industriels acheminés vers Bamako.

Ce succès contraste avec une légère baisse des importations (-4 %), impactées par la diminution des volumes de houille, de fer et de matériaux de construction. Cette tendance révèle un changement structurel : si les importations maliennes via Dakar se sont légèrement tassées, les exportations vers le Mali ont, quant à elles, considérablement renforcé leur rôle stratégique dans l’activité du port sénégalais.

Modernisation et fluidité logistique

L’axe terrestre Dakar-Bamako continue d’être extrêmement sollicité, avec plusieurs centaines de camions l’empruntant quotidiennement. Pour optimiser ce flux, le PAD a mis en œuvre des solutions numériques, telles que le Guichet Unique d’Enlèvement Portuaire (GUEP). Cet outil a permis de traiter 29 000 dossiers de transit et d’obtenir une réduction de 40 % des délais de traitement, améliorant significativement la fluidité des opérations.

Ces efforts d’optimisation s’inscrivent dans une stratégie de repositionnement plus vaste, incluant le développement du futur Port de Ndayane et la création du port sec de Sandiara, conçu comme une plateforme logistique de proximité dédiée spécifiquement aux flux maliens.

Une concurrence sous-régionale accrue

Malgré le maintien de sa position historique, le corridor Dakar-Bamako fait face à une concurrence de plus en plus vive. Le Port Autonome de Conakry (PAC), grâce à des incitations logistiques et des tarifs compétitifs, attire une part croissante du trafic malien. Simultanément, les corridors passant par des ports comme Abidjan ou Lomé s’adaptent également aux nouvelles réalités géopolitiques et logistiques de la région.

Pour Dakar, l’enjeu ne se limite pas à préserver ses parts de marché. Il est crucial de continuer à répondre aux exigences de performance et de résilience des États enclavés de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui recherchent des alternatives d’approvisionnement fiables et efficaces.

Les chiffres de 2024 démontrent la capacité d’adaptation remarquable du PAD face aux contraintes conjoncturelles et à l’absence d’accords politiques stables avec l’AES. Le corridor Dakar-Bamako demeure l’un des mieux structurés de la sous-région, mais sa domination n’est plus garantie. L’avenir dépendra de la poursuite des investissements en infrastructure, de la simplification des chaînes logistiques et du maintien de la confiance des opérateurs maliens.