À l’heure où les chaînes logistiques africaines sont appelées à se transformer en profondeur pour répondre aux enjeux de compétitivité, de digitalisation et de durabilité, le Togo affirme progressivement son ambition de devenir un hub logistique régional de référence.
Dans cet entretien exclusif, Kwami Dzidula NYAZOZO, cadre supérieur du secteur logistique et président de l’Association Togolaise pour la Logistique (ATLOG), revient sur la genèse de la Semaine de la Logistique et de la Supply Chain (SLSC), un événement destiné à fédérer les acteurs publics, privés et académiques autour des grands défis du secteur.
Fort d’un parcours riche au sein d’acteurs majeurs de la supply chain et des infrastructures portuaires, il partage sa vision de la transformation logistique en Afrique de l’Ouest, analyse les avancées du Togo en matière de digitalisation et de compétences, et esquisse les perspectives d’un écosystème plus intégré, innovant et durable.
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Veuillez-vous présenter à ceux qui nous lisent
« Je suis un cadre supérieur spécialisé en logistique, opérations portuaires et gestion de la chaîne d’approvisionnement, avec 14 ans d’expérience professionnelle au sein d’acteurs majeurs du secteur. Mon parcours couvre l’ensemble des segments clés de la supply chain, depuis le suivi des marchandises jusqu’à la gestion d’infrastructures logistiques industrielles et portuaires.
J’ai débuté ma carrière chez COTECNA, où j’ai exercé dans le domaine du tracking et de la traçabilité des marchandises. J’ai ensuite travaillé pendant sept ans au sein de Lomé Container Terminal (LCT), l’un des terminaux les plus performants de la sous-région, à des fonctions managériales directement liées à la performance opérationnelle et à la gestion de la manutention portuaire.
Depuis quatre ans, j’évolue à la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA), où j’ai occupé successivement les postes de Responsable WHS & CFS, Directeur du Service Clientèle, puis Directeur du Port Sec. J’exerce aujourd’hui en qualité de Directeur des Relations Stratégiques et du Développement, rôle dans lequel je contribue à la structuration du Port Sec, au développement des partenariats institutionnels et industriels, ainsi qu’à la mise en œuvre de projets logistiques d’intérêt national.
Sur le plan académique, je suis titulaire d’une Maîtrise en Géographie de l’Université de Lomé, d’un Master en Logistique et Management Portuaire de l’Université du Littoral Côte d’Opale en France, et d’un Diplôme en Gestion des Terminaux Maritimes obtenu auprès de Lloyd’s Maritime Academy au Royaume-Uni. Je suis également en cours de formation pour l’obtention de la certification PMP, afin de renforcer mes compétences en gestion de projets complexes dans des environnements logistiques et industriels.
En parallèle, j’interviens comme consultant-formateur sur les problématiques de logistique, supply chain et gestion de terminaux, et j’assume la fonction de Président de l’Association Togolaise pour la Logistique (ATLOG), à travers laquelle je participe à la structuration du secteur, au renforcement des compétences et à la promotion de l’excellence opérationnelle au niveau national. »
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Quelle est la vision fondatrice derrière la Semaine de la Logistique et de la Supply Chain ?
La Semaine de la Logistique et de la Supply Chain est née d’une ambition claire : créer un cadre de collaboration structuré, pérenne et inclusif entre les acteurs publics, privés et académiques, afin d’accélérer la transformation logistique du Togo et de la sous-région.
L’idée a émergé à la suite de la Nuit des Logisticiens, organisée le 20 décembre 2024. Cet événement a permis de réunir pour la première fois, dans un même cadre, les institutions publiques, les entreprises privées, les opérateurs logistiques et les professionnels du secteur autour d’un thème central : la compétitivité du corridor Lomé–Hinterland. Les échanges de cette soirée ont clairement mis en évidence la nécessité de prolonger ce dialogue sur plusieurs jours, à travers un programme structuré, des panels de haut niveau et des sessions thématiques.
C’est de cette dynamique qu’est née la SLSC qui abritera la deuxième édition de la Nuit des Logisticiens : un carrefour d’excellence où l’on analyse les défis, partage les expériences et innovations, et identifie des solutions concrètes pour renforcer la performance de nos chaînes logistiques.
Notre vision est de rassembler l’ensemble des maillons — ports, douane, transporteurs, industriels, startups, institutions financières, associations professionnelles et étudiants — autour d’une dynamique de progrès collectif. L’objectif ultime est d’accompagner la montée en puissance du Togo comme hub logistique régional, en valorisant la formation, la transparence, la digitalisation, l’innovation et la mise en réseau.
3. Le thème de cette année met en avant la digitalisation et la durabilité: pourquoi ce choix stratégique ?
Ces deux axes représentent aujourd’hui les piliers de modernisation des supply chains à l’échelle mondiale.
La digitalisation est indispensable pour :
- accroître la traçabilité,
- réduire les délais,
- sécuriser les process,
- améliorer l’interopérabilité entre acteurs.
Le Togo a engagé plusieurs réformes importantes, mais l’adoption à grande échelle des technologies reste un chantier stratégique.
La durabilité, quant à elle, n’est plus un luxe. Les corridors doivent être résilients, économes en énergie, sécurisés, et respectueux des standards internationaux. L’Afrique de l’Ouest fait face à des défis climatiques, sécuritaires et infrastructurels qui imposent une transformation responsable.
En combinant les deux, nous voulons pousser les acteurs à adopter une approche moderne, compétitive et durable de la logistique.
4. Quels sont les experts attendus lors de ces jours d’échanges et de partage ?
Nous réunirons, pour cette édition, un ensemble d’acteurs clés représentant l’ensemble de la chaîne logistique nationale et régionale, notamment :
- le Port Autonome de Lomé et les autorités portuaires,
- la Plateforme Industrielle d’Adétikopé
- l’Agence Nationale de l’Aviation Civile
- les consignataires et armateurs,
- les Commissionnaires en Douane Agréés,
- les transporteurs et organisations professionnelles du transport routier,
- les industriels (cimenteries, agro-industries, manufacturiers, etc.),
- les acteurs du secteur pétrolier et de la distribution des produits énergétiques,
- les institutions financières régionales et internationales,
- les startups et entreprises innovantes de la logistique digitale,
- les universités publiques et privés
- ainsi que de nombreux autres partenaires.
Notre objectif est de proposer un dialogue équilibré : experts locaux, régionaux et internationaux, pour offrir une vision holistique des enjeux et solutions.
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Où en est aujourd’hui le Togo en matière de digitalisation logistique, notamment dans les process portuaires et douaniers ?
Le Togo a engagé depuis plusieurs années une dynamique importante de modernisation et de digitalisation de ses processus logistiques, notamment avec :
- la dématérialisation progressive des formalités douanières via SYDONIA,
- l’intermédiation électronique assurée par SEGUCE,
- l’adoption croissante de solutions digitales par plusieurs acteurs privés,
- et les initiatives du Port de Lomé, de l’OTR et de la PIA pour renforcer la transparence et l’efficacité opérationnelle.
Ces avancées témoignent d’une volonté claire de positionner le Togo comme un hub logistique moderne et performant. Comme tout pays engagé dans un processus de transformation, il existe naturellement des perspectives d’amélioration pour aller encore plus loin, notamment en matière :
- d’interopérabilité renforcée entre systèmes,
- de dématérialisation intégrale à terme,
- d’harmonisation des données entre acteurs,
- et de diffusion des outils numériques auprès de toutes les entreprises, y compris les PME.
La Semaine de la Logistique et de la Supply Chain s’inscrit justement dans cette dynamique positive : elle vise à rassembler les acteurs pour consolider les acquis, partager les meilleures pratiques internationales et identifier ensemble les leviers permettant d’accélérer la transformation digitale déjà engagée. »
6. Pensez-vous que le Togo dispose aujourd’hui des compétences et infrastructures nécessaires pour soutenir l’ambition d’être un hub logistique ?
Le Togo dispose aujourd’hui de bases très solides pour soutenir son ambition d’être un hub logistique régional. Sur le plan des infrastructures, le pays a investi dans des équipements modernes : un port en eau profonde performant, des terminaux compétitifs, des plateformes logistiques et industrielles comme la PIA, ainsi qu’un réseau d’acteurs publics et privés de plus en plus structuré.
En matière de compétences, nous observons une montée en professionnalisme notable. De nombreux cadres, techniciens et opérateurs ont été formés ou se forment aux standards internationaux, et les institutions universitaires et professionnelles développent des programmes spécialisés pour accompagner cette dynamique.
Cependant, comme dans tout écosystème en pleine croissance, il existe encore des marges de progression. Il est nécessaire de renforcer l’exposition internationale des talents, d’accélérer la formation continue sur les technologies émergentes, et d’encourager davantage de passerelles entre le monde académique et le monde professionnel.
L’essentiel est que le Togo dispose aujourd’hui des fondations nécessaires et d’une véritable vision stratégique. La Semaine de la Logistique et de la Supply Chain s’inscrit justement dans cette démarche : fédérer les compétences, partager les meilleures pratiques et accélérer la montée en expertise pour accompagner l’ambition nationale
C’est précisément ce que nous faisons à ATLOG : former, connecter, inspirer et structurer les talents pour répondre aux exigences d’un hub logistique régional.
7. La SLSC accueille aussi des étudiants et jeunes talents : comment les préparez-vous au sein de votre association à intégrer le secteur logistique ?
Nous avons mis en place une approche en trois volets :
1. Formation et renforcement de capacités
Ateliers, master class, séances techniques, immersion professionnelle.
2. Mentorat et réseaux professionnels
Les membres d’ATLOG accompagnent les jeunes dans leur orientation, leur insertion et leur évolution.
3. Mise en visibilité et opportunités
Networking avec les entreprises et les professionnels, participation aux panels thématiques.
Nous voulons bâtir une nouvelle génération de logisticiens, capables de maîtriser les standards internationaux et d’apporter des solutions innovantes.
8. Quelles sont les grandes transformations que vous anticipez pour le secteur logistique ouest-africain dans les prochaines années ?
Nous voyons quatre grandes tendances :
1. L’industrialisation des corridors
Plus qu’un axe de transport, les corridors deviennent des chaînes de valeur intégrées.
2. La digitalisation massive
Port Community Systems, IA, blockchain logistique, automatisation.
3. La croissance des zones économiques et plateformes industrielles
PIA, plateformes régionales, hubs de transformation.
4. L’exigence renforcée de sécurité et de résilience
Sécurité routière, cybersécurité, normes environnementales, risques transfrontaliers.
L’Afrique de l’Ouest va entrer dans une nouvelle ère logistique, plus intégrée, plus technologique, plus compétitive.
9. Quelle place la SLSC ambitionne-t-elle d’occuper à l’échelle régionale dans les 5 à 10 ans ?
Notre ambition est claire :
👉 Devenir le rendez-vous annuel incontournable des logistiques africaines.
Dans 10 ans, la SLSC doit être :
- un forum de référence en Afrique de l’Ouest,
- un lieu où se définissent les tendances régionales,
- un espace de lancement d’initiatives et réformes structurantes,
- un hub de connexion entre investisseurs, industries, autorités et startups,
- un levier d’attractivité pour le Togo sur la scène logistique continentale.
Nous voulons que la SLSC devienne un label de qualité, d’innovation et d’influence.
10. Quels messages souhaitez-vous adresser aux acteurs qui hésitent encore à participer ou à s’associer à l’événement ?
Je leur dirai ceci : La logistique se transforme à une vitesse inédite. Ceux qui participent à la transformation seront les leaders de demain.
La SLSC n’est pas seulement un événement :
- c’est un espace de solutions concrètes,
- un lieu de réseautage stratégique,
- une vitrine pour valoriser les projets,
- une opportunité d’influence et de positionnement,
- un moteur pour construire ensemble le futur de nos supply chains.
Rejoindre la SLSC, c’est investir dans la performance de son organisation, mais aussi dans la compétitivité de notre région.
Propos recueillis par Carlos Kpodiefin

