Campost se repositionne dans le e-commerce avec la plateforme Bolamba, un investissement de 2 à 3 milliards FCFA en vue

(Investir au Cameroun) – La Cameroon Postal Services (Campost) prépare sa relance sur le marché du e-commerce. Lors de la présentation du budget du ministère des Postes et Télécommunications à l’Assemblée nationale, la ministre a annoncé pour 2026 le lancement de Bolamba, une nouvelle plateforme de commerce en ligne portée par l’opérateur postal public. Pour soutenir ce dispositif, Campost prévoit d’installer deux plateformes logistiques dans les aéroports de Douala et de Yaoundé, sur des espaces déjà mis à sa disposition par la Société des aéroports du Cameroun (ADC).

Selon les informations d’Investir au Cameroun, l’investissement global est estimé entre 2 et 3 milliards FCFA. L’objectif affiché est ambitieux : faire du Cameroun un hub du e-commerce en Afrique centrale. Concrètement, Bolamba doit permettre aux utilisateurs d’acheter des produits sur des sites internationaux comme Amazon. Les colis seront acheminés vers le Cameroun via des conventions avec DHL, réceptionnés dans les aéroports puis redirigés vers les destinataires à partir des bureaux de poste et de la flotte de véhicules de Campost, afin de constituer un écosystème logistique intégré.

Ce repositionnement intervient après l’échec du partenariat signé en 2016 avec Jumia. Cette collaboration visait à densifier le réseau postal et à permettre aux populations, y compris dans les zones reculées, d’accéder aux produits de la plateforme, avec des délais de livraison annoncés entre 1 et 10 jours et un suivi sécurisé des colis. « La collaboration n’a pas duré parce qu’à un moment la Campost a estimé qu’elle faisait beaucoup plus de travail et méritait une rémunération plus importante, les deux partenaires ne se sont pas entendus et il y a eu rupture de contrat », apprend-on.

Une niche à fort potentiel

Le projet Bolamba s’inscrit dans la stratégie de modernisation et de digitalisation de l’opérateur public, censée renforcer sa résilience, son rôle dans le développement économique du pays et lui permettre d’exploiter une niche à fort potentiel. D’après la plateforme Statista, portail en ligne allemand spécialisé dans les statistiques et données économiques, le marché du e-commerce au Cameroun est évalué à 811,09 millions d’euros, soit environ 531 milliards FCFA, en 2025.

Pour déployer efficacement ce nouvel outil, le postier national mise sur l’amélioration de son système d’adressage et sur son réseau de 234 bureaux de poste répartis sur l’ensemble du territoire. Le 1ᵉʳ novembre 2024, Campost a signé un partenariat stratégique avec la start-up camerounaise FindMe, déjà expérimentée au Sénégal, afin d’adapter son modèle au contexte local. La solution est opérationnelle depuis juillet 2024.

Son directeur général, Pierre Kaldadak, estimait alors que « ce partenariat stratégique avec la startup FindMe représente une opportunité prometteuse pour notre économie. Il s’inscrit dans notre vision de modernisation et de transformation de la poste camerounaise. Avec le boom du e-commerce, il est important pour le service postal de se réinventer afin de mieux satisfaire les clients, en répondant aux besoins de livraison jusqu’au dernier kilomètre et en optimisant nos services financiers grâce à une meilleure identification de nos clients bancaires, en conformité avec les exigences de KYC (Know Your Customer ou connaissance du client, Ndlr) ».

Le lancement de Bolamba viendra étoffer une offre déjà diversifiée de services postaux, financiers et numériques en cours de modernisation. Au-delà du courrier, de l’expédition de colis, de l’EMS, des boîtes postales, des produits d’épargne, de micro-crédit et d’assurance via CAMPOST Money, l’entreprise propose déjà des solutions numériques telles que la vidéoconférence, la vidéosurveillance, l’hébergement et les services e-post. Avec Bolamba, Campost entend compléter cet écosystème et se repositionner comme un acteur central du e-commerce et de la logistique numérique au Cameroun.

Ce projet s’inscrit également dans la droite ligne des recommandations formulées dans le rapport 2019 de la Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et des établissements. Ce document soulignait que la modernisation des services numériques et la diversification des produits devraient permettre une nette amélioration de l’exploitation de la Campost.

Au-delà de l’ambition

Au-delà de l’ambition affichée, le projet Bolamba soulève toutefois plusieurs interrogations. Campost arrive tard sur un marché du e-commerce déjà structuré autour d’acteurs privés, plus agiles et familiers des usages numériques, alors même qu’elle traîne un passif de retards, de grèves et d’image dégradée auprès du public. L’échec du partenariat avec Jumia, officiellement attribué à un désaccord sur la rémunération, peut aussi révéler une difficulté plus profonde à bâtir des modèles économiques équilibrés et durables avec le secteur privé.

L’investissement annoncé, compris entre 2 et 3 milliards FCFA, apparaît conséquent au regard de la situation financière de l’entreprise. Il reste néanmoins modeste si l’ambition est réellement de faire du Cameroun un hub régional, avec ce que cela implique en termes de systèmes d’information, de traçabilité, de sécurité, de service client et de logistique du dernier kilomètre.

La forte dépendance à des partenaires comme DHL pour l’acheminement international, ou à une start-up pour l’adressage, interroge également. La question est de savoir si Campost sera en mesure de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur ou si elle se cantonnera à un rôle d’intermédiaire sous-performant, dans un environnement concurrentiel local et international où la marge d’erreur est étroite.

Selon les données présentées par le Premier ministre dans le cadre du programme économique et financier, le chiffre d’affaires de Campost pour l’exercice 2024 a atteint 4,439 milliards FCFA, soit une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente. C’est dans ce contexte de redressement progressif que l’entreprise choisit de prendre le pari Bolamba : une opportunité de changement d’échelle, mais aussi un test grandeur nature de sa capacité à se réinventer vraiment.

Amina Malloum