Café africain : Riyad et Rome veulent structurer des chaînes logistiques plus résilientes

Par-delà la diplomatie industrielle, la coopération engagée entre l’Arabie saoudite, l’Italie et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) révèle un enjeu stratégique majeur pour l’Afrique : la structuration de chaînes d’approvisionnement du café plus intégrées, durables et connectées aux marchés mondiaux.

En marge de la 21ᵉ Conférence générale de l’ONUDI, organisée à Riyad, le ministre saoudien de l’Industrie et des Ressources minérales, Bandar Alkhorayef, s’est entretenu avec le vice-président du Conseil italien et chef de la diplomatie, Antonio Tajani. Au cœur des discussions : le développement des filières café africaines, de la production agricole jusqu’à la transformation industrielle et à la logistique d’exportation.

Du champ au port : un maillon logistique encore fragile

Si l’Afrique produit près de 12 % du café mondial, l’essentiel de la valeur ajoutée échappe encore au continent. Les faiblesses sont bien identifiées : rendements agricoles limités, infrastructures de transformation insuffisantes, ruptures dans la chaîne du froid et coûts logistiques élevés entre zones rurales et ports d’exportation.

C’est précisément sur ces points que l’ONUDI, avec le soutien de l’Italie, déploie le programme ACT – Advancing Climate-Resilience and Transformation in African Coffee. L’initiative vise à renforcer la résilience climatique des exploitations, tout en structurant des chaînes de valeur capables d’absorber des chocs logistiques et commerciaux de plus en plus fréquents.

L’Arabie saoudite, nouvel acteur logistique du café africain

L’entrée en jeu de l’Arabie saoudite marque une évolution notable. Longtemps cantonné au rôle d’importateur, le Royaume ambitionne désormais de devenir un hub logistique et industriel du café, reliant l’Afrique, l’Europe et l’Asie.

La Saudi Coffee Company, bras opérationnel de cette stratégie, a affiché sa disponibilité pour accompagner les filières africaines sur l’ensemble du cycle : structuration agricole, transformation locale, industrialisation et accès aux marchés internationaux. Un positionnement qui dépasse la simple coopération agricole et s’inscrit dans une logique de supply chain intégrée.

L’un des leviers identifiés est le port de Jazan, sur la mer Rouge. Situé face à la Corne de l’Afrique, il pourrait jouer un rôle clé dans la fluidification des flux de café entre l’Afrique de l’Est, la péninsule Arabique et les marchés européens. Une opportunité logistique à fort potentiel, à condition d’être adossée à des corridors terrestres et à des capacités de stockage et de transformation adaptées.

Vers plus de valeur ajoutée en Afrique ?

Pour les pays producteurs africains — Éthiopie, Ouganda, Rwanda, Côte d’Ivoire ou Tanzanie — l’enjeu est clair : capter davantage de valeur localement. Cela suppose non seulement des investissements industriels, mais aussi une montée en compétence des acteurs logistiques locaux, souvent pénalisés par le manque de financement, de normes et d’accès aux marchés.

La coopération tripartite entre l’Italie, l’Arabie saoudite et l’ONUDI pourrait, si elle se concrétise, contribuer à combler une partie de ces lacunes. À condition toutefois que les États africains soient pleinement associés à la gouvernance des projets et que les infrastructures — ports, routes, entrepôts, plateformes multimodales — restent au cœur des priorités.

Une diplomatie industrielle assumée

Le passage de la présidence de la Conférence générale de l’ONUDI de l’Italie à l’Arabie saoudite symbolise enfin une recomposition des équilibres dans la diplomatie industrielle mondiale. Riyad entend désormais peser sur les chaînes de valeur stratégiques, dont le café africain fait partie.

Pour l’Afrique, cette dynamique peut représenter une opportunité. Mais comme souvent en matière de supply chain, tout dépendra de l’exécution : capacité à transformer les annonces politiques en investissements concrets, et à bâtir des chaînes logistiques réellement inclusives et compétitives.