Convention des Nations Unies sur les documents de fret négociables : un tournant juridique majeur pour la logistique et le commerce en Afrique

Par Par la rédaction de Logis-T Africa

Adoptée le 15 décembre 2025 à New York sous l’égide des Nations unies, la Convention sur les documents de fret négociables – désormais appelée Convention d’Accra sur les documents de fret négociables – marque une avancée structurante pour le commerce international, la supply chain et la logistique en Afrique. En posant un cadre juridique harmonisé pour l’émission et l’utilisation de documents de fret négociables, sur support papier ou électronique, ce nouvel instrument entend lever l’un des verrous historiques du commerce mondial : la circulation sécurisée des titres représentatifs de marchandises au-delà du seul transport maritime.

Étendre la négociabilité à toute la chaîne logistique

Jusqu’à présent, les documents de titre négociables, comme le connaissement maritime, restaient largement cantonnés au transport par mer. La Convention d’Accra change d’échelle. Elle introduit les Negotiable Cargo Documents (NCDs), des documents de titre représentant des marchandises en transit, quel que soit le mode de transport : maritime, routier, ferroviaire ou aérien.

L’objectif est clair : étendre les bénéfices de la négociabilité à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en Afrique, faciliter le financement du commerce, permettre la vente de marchandises en cours de transport, encourager le transport multimodal et accélérer la digitalisation des échanges. Pour des économies africaines encore pénalisées par des procédures documentaires lourdes et fragmentées, l’enjeu est considérable.

Un cadre juridique unifié pour fluidifier le commerce

Au cœur du texte, un principe fondamental : les droits attachés aux marchandises ne peuvent être exercés que par le détenteur du document de fret négociable. Ces droits sont automatiquement transférés avec le NCD, par endossement et remise ou, dans certains cas, par simple transfert de possession. Juridiquement, la remise d’un NCD produit les mêmes effets que la remise physique des marchandises.

Cette reconnaissance formelle du NCD comme document de titre renforce la sécurité juridique des transactions commerciales, un point crucial pour le commerce international africain et pour les banques engagées dans le financement du trade finance sur le continent. Le texte protège également les tiers agissant de bonne foi, un élément essentiel pour instaurer la confiance dans les échanges.

Un levier pour la digitalisation et l’e-commerce en Afrique

La Convention accorde une place centrale aux documents de fret négociables électroniques (eNCDs). Inspirée des travaux de la CNUDCI (UNCITRAL) sur les registres électroniques transférables, elle établit des règles détaillées pour garantir l’équivalence juridique entre documents papier et électroniques.

Pour les acteurs de la logistique et du transport en Afrique, cette avancée ouvre la voie à des chaînes documentaires dématérialisées, plus rapides et plus fiables. Elle facilite aussi le dédouanement, réduit les délais opérationnels et soutient l’essor du e-commerce transfrontalier, encore freiné par des contraintes administratives et juridiques.

Une adoption fondée sur la liberté contractuelle

Autre point clé : la Convention repose sur le principe de l’autonomie des parties. L’émission d’un NCD n’est possible que si elle est convenue entre l’opérateur de transport et le chargeur. Le texte prévoit deux mécanismes : la conversion d’un document de transport existant en NCD ou l’émission d’un NCD autonome lorsque le document de transport est absent ou annulé.

Des exigences de contenu précis sont fixées afin de garantir la validité du document, tout en prévoyant des solutions en cas d’informations manquantes. Une flexibilité bienvenue pour les marchés africains, où les pratiques documentaires restent hétérogènes.

Une convention complémentaire du droit du transport existant

La Convention d’Accra ne remet pas en cause les régimes de responsabilité des transporteurs définis par les grandes conventions internationales, telles que les Règles de Hambourg ou les Règles de Rotterdam. Elle se concentre exclusivement sur l’émission et l’utilisation des documents de fret négociables, venant compléter les cadres juridiques existants sans s’y substituer.

Cette articulation est essentielle pour rassurer les opérateurs du marché de la logistique en Afrique, souvent confrontés à une superposition de normes nationales et internationales.

Un outil stratégique pour l’Afrique

Pour l’Afrique, où les coûts logistiques restent parmi les plus élevés au monde, la Convention d’Accra représente bien plus qu’un texte juridique. Elle constitue un outil stratégique pour moderniser les pratiques, renforcer l’intégration régionale, fluidifier le commerce intra-africain et améliorer l’attractivité du continent auprès des investisseurs et des financeurs internationaux.

À condition que les États africains s’approprient rapidement cet instrument et l’intègrent dans leurs législations nationales, les documents de fret négociables pourraient devenir un puissant accélérateur de la supply chain africaine, au service d’un commerce plus fluide, plus numérique et plus compétitif.

Cérémonie officielle de signature à Accra en 2026

En adoptant la Convention, l’Assemblée générale des Nations unies a autorisé l’organisation d’une cérémonie officielle de signature au second semestre 2026 à Accra, au Ghana. À cette occasion, la Convention sera ouverte à la signature des États et des organisations régionales d’intégration économique. L’Assemblée a en outre appelé les gouvernements souhaitant moderniser leurs cadres juridiques relatifs aux documents de transport négociables à envisager adhérer à la Convention.

Ce calendrier et cet appel politique renforcent la portée stratégique du texte, notamment pour les pays africains engagés dans la modernisation de leur cadre légal en matière de logistique, de transport multimodal et de commerce international, dans un contexte de mise en œuvre de la ZLECAf et de digitalisation des chaînes d’approvisionnement.