Le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) vient de franchir une nouvelle étape dans la modernisation du réseau routier en Afrique de l’Est. Réuni le 3 décembre à Abidjan, son Conseil d’administration a approuvé 214,47 millions de dollars destinés à financer la seconde phase du corridor de transport Soudan du Sud–Éthiopie–Djibouti, l’un des chantiers les plus structurants de la Corne de l’Afrique.
Cette enveloppe provient essentiellement du Fonds africain de développement (FAD), le guichet concessionnel de la Banque. L’Éthiopie reçoit la part la plus importante avec 181,5 millions de dollars. Djibouti bénéficie de 29,71 millions de dollars, tandis que le Soudan du Sud obtient 1,96 million, auxquels s’ajoutent 1,30 million issus de la Facilité d’appui à la transition, un mécanisme conçu pour accompagner les États fragiles.
Des travaux routiers stratégiques pour connecter la région
Cette deuxième phase se concentre sur plusieurs tronçons clés :
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En Éthiopie :
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Construction d’une voie express de 67 km,
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Installation de systèmes de transport intelligents (ITS),
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Réhabilitation de 50 km de routes d’accès.
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À Djibouti :
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Réfection du tronçon Dikhil–Mouloud (18 km),
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Amélioration de 15 km de routes d’accès.
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Au Soudan du Sud :
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Mise à jour des études pour moderniser 280 km sur l’axe Kapoeta–Boma–Raad.
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Ces travaux viendront compléter les infrastructures déjà engagées dans la première phase, renforçant un corridor vital pour les échanges entre un pays enclavé (le Soudan du Sud), un géant économique régional (l’Éthiopie) et le hub portuaire majeur qu’est Djibouti, qui traite déjà plus de 90 % du commerce extérieur éthiopien.
Un corridor aux retombées économiques massives
Pour la BAD, l’impact attendu dépasse largement l’amélioration des routes. Il s’agit d’un projet transformateur pour les économies de la région.
Selon Mike Salawou, directeur des Infrastructures, des Villes et du Développement urbain à la Banque :
« Ce corridor est un vecteur essentiel de développement. Il réduira les coûts de transport, améliorera l’accès aux ports de Djibouti, dynamisera les flux commerciaux et renforcera les chaînes de valeur agricoles et pastorales. »
L’initiative devrait faciliter la circulation des biens et des personnes dans une zone où les échanges transfrontaliers restent freinés par des infrastructures insuffisantes, notamment côté sud-soudanais. Les populations rurales voisines du corridor — fortement dépendantes de l’agro-industrie et de l’élevage — devraient bénéficier directement de la baisse des coûts logistiques et d’un accès élargi aux marchés.
Capacités humaines : une dimension essentielle du projet
Au-delà des routes, la Bad mise sur la formation et le renforcement institutionnel. Parmi les mesures prévues :
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En Éthiopie :
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Construction et équipement d’un centre d’enseignement technique et professionnel spécialisé dans l’automobile, dans la région Afar,
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Formation de 300 femmes et jeunes en entrepreneuriat, gestion financière, innovation, marketing,
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Appui technique en agro-industrie.
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À Djibouti :
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Mise en place d’un programme de stages pour dix ingénieurs, dont cinq femmes.
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Au Soudan du Sud :
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Accompagnement du ministère des Routes et des Ponts et de l’Autorité routière pour renforcer le pilotage et la gestion des projets d’infrastructures.
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L’objectif est clair : associer construction d’infrastructures et développement des compétences locales afin d’assurer la durabilité du corridor.
Un chaînon manquant pour l’intégration régionale
Ce corridor s’inscrit dans la stratégie plus large d’intégration régionale portée par l’Union africaine, la BAD et l’IGAD. À long terme, il doit :
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fluidifier les échanges entre l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale,
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permettre au Soudan du Sud d’accéder à une sortie vers la mer sans dépendre uniquement du Soudan,
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consolider la position de Djibouti comme plateforme logistique majeure de la région,
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soutenir la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
La mise en service complète de l’axe devrait attirer des investissements logistiques et industriels, notamment dans les zones frontalières encore sous-développées.

