Les corridors de transport comptent parmi les moteurs les plus puissants de la transformation économique. En Europe, chaque euro investi dans le Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) aurait généré quatre euros de PIB. Le même potentiel – voire un potentiel encore plus grand – existe en Afrique, à condition que les investissements soient ciblés et coordonnés.
C’est ce qu’a affirmé Paul Riembault de la Direction générale des partenariats internationaux (DG INTPA) de la Commission européenne. S’exprimant lors de la 43e Conférence sud-africaine sur les transports (SATC), le 10 juillet, Riembault a expliqué comment l’Afrique pourrait tirer parti de l’expérience longue et complexe de l’Union européenne en matière de développement de corridors.
Il a encouragé les institutions africaines, les planificateurs et les bailleurs à poursuivre leur approche coordonnée du développement des corridors – et à s’inspirer à la fois des réussites et des défis rencontrés par l’Europe pour transformer des infrastructures fragmentées en colonne vertébrale d’un marché unique prospère.
« Les corridors de transport ne concernent pas seulement les routes et les rails », a déclaré Riembault aux participants. « Ils visent à favoriser l’intégration, le commerce intra-africain et la prospérité régionale. »
De la fragmentation à la connectivité
Riembault a rappelé le passé difficile de l’Europe – un continent autrefois divisé par la guerre, des gabarits ferroviaires incompatibles et des réseaux ferroviaires nationaux isolés. « La carte de l’Europe a été conçue pour diviser, pas pour connecter », a-t-il noté. Mais des décombres du conflit est née la volonté politique de s’unir – et avec elle, le besoin d’une infrastructure reflétant cette intégration.
En Europe, les corridors n’ont pas été le point de départ, mais le résultat d’un alignement politique. Le projet de marché unique de l’UE a créé une demande de connectivité, et le RTE-T est né pour répondre à cette demande.
Une planification fondée sur des critères
Ce qui distingue le modèle européen du RTE-T, c’est son approche fondée sur les données et les critères. Les corridors ne sont pas sélectionnés arbitrairement ou uniquement sur la base de négociations politiques. Ils reposent sur des critères précis, voire sur des données tangibles : par exemple, des ports traitant plus de 33 millions de tonnes de fret par an – soit 1 % du total du fret européen –, des villes de plus d’un million d’habitants, des capitales ou des zones industrielles stratégiques. Ces « nœuds centraux » ancrent chaque corridor multimodal.
« Dans une union de 27 États membres, il est naturel que les intérêts nationaux divergent », a expliqué Riembault. « C’est pourquoi un cadre commun solide protège contre les priorités politiques fluctuantes et les projets de prestige. »
Actuellement, le RTE-T comprend neuf corridors multimodaux, soutenus par une réglementation harmonisée sur la sécurité routière, l’électrification ferroviaire, les charges à l’essieu, les systèmes de signalisation ferroviaire et même l’interopérabilité des billets. L’infrastructure n’est qu’un pilier : la gouvernance, la normalisation et le financement en sont d’autres.
« Sans harmonisation, les corridors deviennent des patchworks. Nous l’avons appris à nos dépens en Europe. L’interopérabilité doit être intégrée dès le premier jour. »
Global Gateway : une stratégie d’investissement en Afrique
La présentation de Riembault a également mis en lumière la manière dont l’UE applique cette approche d’investissement ciblé à travers l’initiative Global Gateway – la stratégie mondiale d’investissement de l’UE, qui donne la priorité aux infrastructures énergétiques, numériques et de transport. Par le biais de cette initiative, l’UE a identifié une liste restreinte de corridors africains – alignés sur les priorités de l’Union africaine (UA) et des Communautés économiques régionales (CER) – sur lesquels elle concentre ses financements dans le domaine des transports entre 2021 et 2027.
« L’objectif n’est pas de dupliquer les cadres africains comme le PIDA (Programme de développement des infrastructures en Afrique) ou la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) », a-t-il précisé. « L’objectif est de les soutenir – de manière stratégique et à grande échelle. »
Plus de 1,5 milliard d’euros (environ 30 milliards de rands) de subventions ont déjà été affectés au développement des corridors africains dans le cadre de l’initiative Global Gateway, avec de nombreux projets soutenus par des financements mixtes combinant subventions européennes, prêts et capitaux privés.
Parmi les investissements phares figure le corridor ferroviaire Maputo–Walvis Bay, dont la modernisation au Mozambique devrait fortement accroître la capacité de transport de fret. À Dakar, un système de Bus Rapid Transit (BRT) a été mis en service, avec plus de 120 bus électriques et des voies dédiées pour améliorer la mobilité urbaine et réduire les émissions. À Lagos, le projet de transport fluvial OMI EKO devrait améliorer la connectivité le long du corridor Abidjan–Lagos, en élargissant les services de ferry et les infrastructures afin de mieux desservir une population régionale en forte croissance.
Outre les infrastructures physiques, l’UE finance des mesures dites « souples » telles que la facilitation des échanges, la réforme des douanes, la réglementation sur les charges à l’essieu et les cadres de gouvernance des corridors.
Un appel à un cadre continental commun
La session – qui a réuni des représentants et experts de la Commission de l’Union africaine, des Communautés économiques régionales, des Nations Unies, de la Banque mondiale et de la coopération allemande – s’est conclue par une discussion animée autour d’une question centrale : est-il temps de développer un cadre continental africain plus solide pour le développement des corridors ?
Il ne s’agirait pas de remplacer les initiatives existantes, mais d’y ajouter une couche de cohérence – avec des critères communs, des normes partagées et un suivi transfrontalier.
« L’Afrique n’a pas besoin de copier l’Europe », a conclu Riembault. « Mais elle peut s’inspirer de certaines leçons clés, adaptées à son contexte. »
L’UE, a-t-il ajouté, est prête à accompagner ses partenaires africains pour façonner des corridors modernes, multimodaux et résilients.
« C’est le moment des corridors pour l’Afrique ; le continent peut transformer ses infrastructures de transport en véritables artères économiques. »
Source : RAILWAYS AFRICA