Des communautés économiques comme le COMESA et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) sont régulièrement confrontées au problème persistant des Obstacles Non Tarifaires (ONT). Bien que maintes fois dénoncées et promises à l’éradication, ces barrières continuent d’entraver le commerce régional.
Le débat s’est souvent concentré sur la nature prétendument « protectionniste » de ces obstacles. Cependant, une telle focalisation risque de masquer la cause la plus profonde et la plus insidieuse de leur survie : la défaillance administrative, le chevauchement des fonctions et la désagrégation de la confiance entre les nations partenaires.
Le Véritable Mal : la Dysfonction Bureaucratique
L’engorgement chronique observé aux points de passage majeurs, comme le poste-frontière de Malaba entre l’Ouganda et le Kenya, n’est pas seulement le signe d’un conflit politique, mais révèle un profond malaise systémique. Le commerce est transformé en un parcours d’obstacles par des institutions inefficaces, des mandats administratifs confus et une fragmentation qui piège transporteurs et chargeurs dans un labyrinthe de paperasserie, de contrôles arbitraires et d’inspections redondantes.
Ces blocages sont le symptôme d’agences qui fonctionnent en vase clos, protégeant jalousement leurs prérogatives. Les frontières, destinées à faciliter les échanges, sont devenues des goulots d’étranglement de l’inefficacité.
La Solution : Construire la Confiance par les Systèmes
Plutôt que d’interpréter les ONT comme un bras de fer politique entre États, les blocs régionaux devraient concentrer leurs efforts sur l’établissement de systèmes réglementaires cohérents et infaillibles.
La confiance véritable ne peut être imposée ; elle doit être bâtie grâce à :
- Des processus prévisibles.
- Des normes professionnelles rigoureuses.
- Des procédures entièrement numérisées qui réduisent les possibilités d’intervention discrétionnaire des fonctionnaires.
La simplification des procédures aux frontières — par l’utilisation de bases de données partagées, l’automatisation des tâches et des mécanismes de dédouanement transparents — permettrait de réduire drastiquement la bureaucratie et de fluidifier les échanges sans nécessiter d’interminables pourparlers diplomatiques.
L’Urgence de la Réforme Managériale
Les récentes constatations de sénateurs kenyans lors de leur visite à Malaba et Busia confirment cette dégradation institutionnelle : malgré les revenus fiscaux substantiels générés, les infrastructures sont souvent délabrées et manquent d’équipements technologiques.
Ces dysfonctionnements ne sont pas isolés. Partout dans l’EAC et le COMESA, l’inertie bureaucratique et la mise en œuvre lacunaire des réformes contredisent les déclarations des sommets régionaux. En conséquence, le commerce intra-COMESA reste bloqué sous la barre des 14 %, bien loin des objectifs de la zone de libre-échange et de la ZLECAf.
Le coût de cette inefficacité est double : il est économique, mais aussi réputationnel. Chaque retard de camion à la frontière se traduit par une perte de compétitivité, agissant comme une taxe invisible sur les produits africains et sur les ambitions du continent.
Si des réflexes protectionnistes sont avérés, ils trouvent leur terrain le plus fertile dans les failles de l’inefficacité et de la corruption. Une administration modernisée et axée sur la technologie rendrait beaucoup plus difficile de dissimuler ces pratiques sous des prétextes de « révisions » ou de « retards techniques ».
Dépolitiser et Digitaliser
Au récent sommet du COMESA à Nairobi, les ONT ont encore été qualifiés de « principal obstacle » au commerce. La Secrétaire générale, Chileshe Mpundu Kapwepwe, a d’ailleurs souligné que la numérisation et la transparence sont les leviers essentiels pour démanteler ces barrières.
Le remède exige :
- L’harmonisation des procédures.
- La digitalisation complète des échanges.
- Le renforcement de la redevabilité.
Il passe surtout par la nécessité de dépolitiser les ONT pour les traiter comme ce qu’ils sont fondamentalement : des défaillances managériales et systémiques.
L’intégration régionale ne se réalisera pas par la signature de nouveaux traités, mais par l’exécution compétente et intègre de ceux qui existent déjà. Les frontières africaines n’ont pas besoin de plus de rhétorique, mais de systèmes fonctionnels. Sans intégrité, efficacité et confiance au sein des agences frontalières, les obstacles non tarifaires resteront une blessure auto-infligée, minant la prospérité africaine.