(ONU) L’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la sécurité routière, Jean Todt, est en visite en Afrique de l’Ouest pour accélérer la mise en œuvre de nouvelles politiques de mobilité, a indiqué la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU).
L’Afrique sub-saharienne est la région du monde proportionnellement la plus touchée par les accidents de la route, affichant un taux de mortalité de 27/100.000 habitants, soit trois fois plus que la moyenne de 9/100.000 en Europe. La moyenne mondiale s’établit à 18/100.000.
« L’Afrique est particulièrement touchée par cette tragédie que sont les accidents de la route, représentant la première cause de la mortalité de ses jeunes », regrette l’Envoyé spécial. « On y déplore autour de 25% du nombre de victimes, alors que le continent concentre à peine 2% du parc automobile mondial. Ceci est intolérable alors que des solutions existent ».
Jean Todt commence sa visite par le Sénégal (3-6 mai), puis se rendra en Côte d’Ivoire (7-8 mai) pour y rencontrer les ministres ainsi que des représentants du secteur privé, du secteur public et des ONG afin de plaider en faveur de la mise en œuvre effective du Plan mondial pour la Décennie d’action pour la sécurité routière 2021-2030, qui vise à réduire de moitié le nombre de victimes sur la route d’ici 2030.
De récents drames qui ont bouleversé l’opinion publique
Ce début d’année a été marqué par des collisions tragiques au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Deux accidents de bus survenus en janvier dernier au Sénégal ont coûté la vie à 62 personnes et en ont blessé une centaine d’autres.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le taux de mortalité sur les routes est de 24/100 000 habitants au Sénégal. 519 personnes sont décédées sur les routes sénégalaises entre le 1er janvier et le 3 septembre 2022, ce qui dépasse le nombre de décès (487) pendant toute l’année 2021.
En janvier, à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, c’est encore un accident de bus qui causait la mort de 14 personnes et en blessait 70 autres tandis qu’une collision provoquait la mort de 25 personnes en août 2022 au nord d’Abidjan. La moyenne journalière des accidents de la route en Côte d’Ivoire est passée de 12 en 2012 à 46 en 2022 selon le Conseil national de sécurité (CNS).
Ces accidents de bus ont mis en lumière la vétusté du parc automobile des deux pays, le manque de contrôle technique et le non-respect du code de la route.
Des défis à relever de toute urgence
L’alcool au volant, la vitesse, la somnolence, la négligence, le non-port de la ceinture de sécurité et du casque, et le non-respect du Code de la route sont à l’origine de la majorité des accidents de la route en Afrique, indique la CEE-ONU dans un communiqué. La vétusté du parc automobile et des transports publics, les faux permis, le manque d’application des sanctions et le manque de sérieux des contrôles techniques sont aussi des causes majeures d’accidents.
Parmi les solutions à mettre en œuvre, il y a non seulement la nécessité de renforcer les services de santé accueillant les blessés, mais aussi l’adhésion à la Charte africaine de la sécurité routière et aux Conventions de base des Nations Unies en matière de sécurité routière ou encore la nécessité de renforcer les campagnes de sensibilisations à l’égard du public.
L’Afrique ayant la plus forte proportion de décès de cyclistes et de piétons – 44% du nombre total de décès sur les routes – la CEE-ONU juge nécessaire de protéger ces usagers de la route les plus vulnérables, qui sont souvent également les plus démunis ou les plus jeunes.
Outre la tragédie humaine, les accidents de la route entraînent les pays dans un cercle vicieux de pauvreté. Selon la Banque mondiale, le coût des accidents de la route représente 8% du PIB annuel du Sénégal et 7,8% de celui de la Côte d’Ivoire.
De nouvelles mesures fortes à mettre en œuvre
Des mesures fortes ont été annoncées par le gouvernement sénégalais après les accidents tragiques de janvier. Un plan national de sécurité routière (PNSR) avec 22 nouvelles mesures a été adopté pour la période 2021-2030, ayant pour objectif de réduire de 50% le nombre de décès et de blessés graves.
Ce plan comprend également le renforcement des contrôles routiers, la limitation de circulation des véhicules de transport public, l’interdiction de l’importation de pneus usagés, le contrôle technique gratuit à Dakar pour les véhicules de transport et de marchandises ou encore l’ouverture de centres de contrôle technique dans les régions.
Des actions de sensibilisation sont également mises en œuvre régulièrement.
En Côte d’Ivoire, de nouvelles initiatives ont également été prises, concernant notamment le renforcement les lois en matière de sécurité routière, la création d’une police du trafic ou des Etats généraux des transports. En 2021, le gouvernement a décidé de faire appliquer le port du casque après plusieurs accidents mortels dans le nord du pays.
Véhicles dans un état de vétusté très avancé
Mais la vétusté du parc automobile est aussi une source de préoccupation et demande une attention particulière en Afrique de l’Ouest.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire dépendent principalement des importations de véhicules d’occasion. En 2016, l’âge moyen du parc au Sénégal était de 18 ans, 40% du parc ayant plus de 20 ans, indique une étude du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Le Sénégal avait promulgué un décret depuis 2001 limitant l’âge d’importation des voitures à 5 ans. Ce décret a été modifié en 2012 portant l’âge à 8 ans.
En 2020, le Conseil des ministres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont la Côte d’Ivoire et le Sénégal font partie, a adopté une directive sur la limitation des émissions des véhicules, qui réglemente les véhicules neufs et d’occasion importés dans la région. La directive comprend des restrictions concernant l’’âge des véhicules, une limite d’émissions et une exigence d’homologation. Cette initiative constitue la première approche harmonisée en Afrique pour réglementer les véhicules d’occasion importés. Lorsqu’elle sera pleinement mise en œuvre, elle aura un impact significatif sur l’environnement, la santé et la sécurité routière, indique le communiqué de la CEE-ONU.
Le Fonds des Nations Unies pour la sécurité routière a investi dans un projet pour l’importation de véhicules plus sécurisés et respectueux de l’environnement en Afrique. En partenariat avec les ministères, le secteur privé et la société civile, l’initiative soutient la réglementation de l’exportation et de l’importation de véhicules usagés en Afrique et en particulier les réglementations sur les véhicules et les inspections techniques ou le système de freinage antiblocage.