— Par Ludovic Thanay, Vice-président senior des ventes, Webb Fontaine (https://WebbFontaine.com).
Les partenaires privés ont un rôle crucial à jouer, en fournissant non seulement les systèmes, mais aussi les cadres de sécurité qui garantissent la protection des informations tout en permettant un commerce plus intelligent et plus rapide.
L’Afrique se trouve à un tournant décisif. Elle abrite près d’un cinquième de la population mondiale, mais ne représente que moins de 3 % du commerce mondial. Le constat est bien connu : infrastructures fragiles, politiques fragmentées, adoption lente des systèmes numériques. Le véritable enjeu n’est pas seulement de combler cet écart, mais de concevoir un modèle de commerce adapté aux réalités et aux ambitions africaines. Les partenariats public-privé (PPP), lorsqu’ils reposent sur la confiance et la responsabilité partagée, peuvent jouer un rôle déterminant dans cette transformation.
Plus qu’une simple acquisition
Trop souvent, les PPP dans les domaines douaniers et commerciaux sont perçus comme de simples accords d’acquisition, où les gouvernements achètent des systèmes et où les entreprises privées les fournissent. Cette vision réductrice en manque l’essentiel. Les partenariats solides sont ceux qui réunissent les parties prenantes pour concevoir des solutions profitables à tous.
Les gouvernements apportent leur légitimité et des programmes de réforme alignés sur les engagements de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les partenaires privés apportent la technologie, l’agilité et la capacité de déploiement à grande échelle. En combinant ces éléments, les partenariats ne se limitent plus à de simples acquisitions : ils deviennent de véritables moteurs de réforme.
Les cadres existent déjà. Le Modèle de données de l’OMD, le Cadre SAFE de l’OMD pour sécuriser et faciliter le commerce mondial, ou encore l’Étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée constituent l’ossature internationale de la réforme. Mais les cadres, à eux seuls, ne s’appliquent pas. Ils nécessitent des outils numériques, allant des systèmes de gestion des risques aux guichets uniques, systèmes communautaires portuaires et plateformes de paiement électronique. C’est ici que les PPP révèlent toute leur valeur : transformer les ambitions politiques en systèmes opérationnels capables de produire des résultats.
Confiance, gouvernance et transparence
Toute réforme durable repose sur une gouvernance solide. Sans rôles clairs, supervision indépendante et résultats visibles, même la technologie la plus avancée ne parvient pas à s’imposer.
Les systèmes numériques peuvent renforcer cette crédibilité. Relier directement les solutions de paiement électronique aux douanes, par exemple, accélère non seulement les transactions mais offre aussi aux ministères des finances une vision en temps réel des recettes. Les moteurs de gestion des risques qui laissent une trace vérifiable accélèrent les décisions de mainlevée tout en les rendant sujettes à révision. Lorsque les opérateurs perçoivent un processus efficace et prévisible, la confiance dans l’ensemble du système s’installe.
Les PPP peuvent aider les gouvernements à dépasser les frontières nationales pour bâtir des systèmes interconnectés.
Les données : partagées mais protégées
La numérisation du commerce repose sur les données. Déclarations, manifestes d’expédition, paiements et profils de risque doivent circuler rapidement entre agences, opérateurs et même au-delà des frontières. Mais cette rapidité soulève des questions de propriété et de protection : qui contrôle ces données ? Comment sont-elles utilisées ? Comment sont-elles sécurisées ?
Les PPP doivent apporter des réponses. Les plateformes partagées ne peuvent réussir si les entreprises et les citoyens doutent de la sécurité de leurs informations. Les données doivent circuler, mais elles doivent aussi être protégées. Pour l’Afrique, où l’intégration régionale au titre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) dépend de l’interopérabilité, cela signifie développer des règles cohérentes de gouvernance des données, équilibrant ouverture et respect de la vie privée. Les partenaires privés jouent ici un rôle clé, en fournissant non seulement les systèmes mais aussi les cadres de sécurité qui protègent l’information tout en permettant un commerce plus intelligent et plus rapide.
Capacités et appropriation
Même la meilleure technologie échoue si les utilisateurs ne sont pas impliqués dans le processus. Trop de projets échouent parce que les systèmes ont été livrés sans transfert de compétences ni appropriation locale. Des partenariats durables intègrent formation et renforcement institutionnel dès le départ. Le succès ne devrait pas seulement être mesuré à la rapidité des dédouanements, mais aussi à la capacité des administrations à gérer et développer elles-mêmes ces systèmes sur le long terme.
ZLECAf : de la vision à la pratique
La ZLECAf offre la perspective du plus grand marché unique au monde. Mais aucun accord, aussi ambitieux soit-il, ne réussira si chaque pays met en place ses propres solutions numériques isolées. Un corridor ne peut être « intelligent » si chaque frontière est une île numérique.
C’est là que les PPP peuvent aider les gouvernements à dépasser les limites nationales et construire des systèmes interopérables. L’intégration repose sur des fondamentaux : normes harmonisées, systèmes interconnectés et infrastructures partagées.
Vers un modèle africain distinct
D’ici 2050, une personne sur quatre dans le monde sera africaine. La véritable question est de savoir si l’Afrique continuera d’adopter des modèles commerciaux externes ou si elle façonnera les siens. Les PPP offrent l’occasion de choisir la deuxième option : concevoir des solutions issues des réalités africaines tout en restant alignées sur les normes mondiales.
La leçon de plusieurs années de réformes est claire : la technologie compte, mais ce qui fait la différence, ce sont la gouvernance, la confiance, les capacités et la responsabilité partagée. Le véritable indicateur de réussite sera de savoir si le continent est capable de contribuer à façonner les règles de demain plutôt que de s’adapter à celles d’hier.