La finance de la chaîne d’approvisionnement permet aux fournisseurs de rester opérationnels, réduit le risque de retards de production et renforce la résilience dans un environnement commercial de plus en plus imprévisible.
Le commerce repose autant sur le capital que sur les marchandises, et pourtant la liquidité – cette force invisible qui détermine qui peut commercer, à quelle échelle et à quelles conditions – reste rare, coûteuse et structurellement inaccessible pour de nombreuses entreprises du continent.
Depuis des décennies, le principal frein au commerce africain est l’accès au financement. Les pénuries de liquidités, aggravées par le poids de la dette souveraine et la dépendance persistante aux devises fortes, continuent d’étouffer le commerce intra-africain.
Même si la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) vise à intégrer un marché de plus de 1,3 milliard de personnes, la réalité est que les flux commerciaux restent largement tournés vers l’extérieur, libellés en dollars américains et soumis aux contraintes de change. Il en résulte un paysage commercial où trop d’entreprises africaines sont prises comme variables d’ajustement plutôt que d’agir en véritables acteurs du marché.
Une réponse au blocage : la finance de la chaîne d’approvisionnement
La solution à cette impasse ne réside pas uniquement dans les structures traditionnelles de financement du commerce. La finance de la chaîne d’approvisionnement, longtemps considérée comme un simple outil de trésorerie, doit aujourd’hui être vue comme un levier stratégique essentiel du commerce.
Le modèle commercial dominant concentre le capital au niveau des grandes entreprises, forçant les fournisseurs à combler seuls l’écart entre livraison et paiement. Ce décalage pèse fortement sur les petits fournisseurs, qui doivent soit absorber la pression sur leur fonds de roulement, soit recourir à un crédit de court terme coûteux.
La finance fournisseurs – une forme de finance de la chaîne d’approvisionnement – élimine cette inefficacité en alignant la liquidité sur l’activité commerciale, de sorte que le capital circule au rythme du commerce plutôt que de rester bloqué dans les cycles de paiement. Surtout, elle change les conditions d’accès à la liquidité.
Au lieu d’être évaluée en fonction de la santé financière du fournisseur – ce qui est souvent un frein – elle est structurée autour du profil de crédit de l’entreprise cliente (le « corporate anchor »), ce qui réduit le coût du capital et élargit l’accès au financement.
Un outil de résilience face à l’instabilité
En intégrant le financement dans le processus commercial, la finance de la chaîne d’approvisionnement permet aux fournisseurs de rester opérationnels, réduit les risques de ruptures de production ou de pénuries de matières premières. Elle permet aux entreprises de stabiliser leurs chaînes d’approvisionnement sans s’exposer à de nouveaux risques de crédit, renforçant ainsi leur résilience face à un environnement commercial de plus en plus instable.
Une solution encore sous-utilisée
Mais ce potentiel reste largement inexploité. Contrairement aux marchés développés, où ces mécanismes sont largement adoptés, de nombreuses entreprises africaines ne connaissent pas les avantages que la finance fournisseurs peut offrir en matière de trésorerie, sans la complexité du crédit traditionnel.
Le manque de sensibilisation, une infrastructure financière fragmentée et une opacité sur les critères d’éligibilité freinent la participation, laissant de nombreuses entreprises dans l’incapacité d’intégrer ces outils à leur stratégie financière.
En conséquence, la finance fournisseurs reste principalement concentrée auprès des fournisseurs de rang 1 et 2 – ceux ayant des relations directes avec de grandes entreprises – tandis que les petits fournisseurs plus éloignés dans la chaîne restent financièrement contraints. Pourtant, les PME représentent près de 80 % des économies africaines : cette exclusion constitue donc un véritable frein structurel au commerce.
Une mobilisation collective est nécessaire
Pour élargir l’accès, une collaboration renforcée est nécessaire entre les entreprises, les banques et les institutions de financement du développement, afin de concevoir des structures financières permettant à la liquidité de circuler dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement.
La capacité de l’Afrique à se protéger contre l’instabilité financière, à soutenir le commerce intra-continental et à réduire sa vulnérabilité aux chocs extérieurs dépendra de la fluidité de la circulation des liquidités dans ses chaînes d’approvisionnement. Le continent ne peut pas rester passif, dépendant des conditions financières extérieures pour orienter la trajectoire de ses systèmes commerciaux.
Vers une souveraineté financière
La finance de la chaîne d’approvisionnement, si elle est déployée de manière stratégique, offre une voie vers une souveraineté financière accrue, une intégration commerciale plus profonde et un avenir économique plus résilient.
La question n’est plus de savoir si ces solutions fonctionnent, mais à quelle vitesse elles peuvent être intégrées au tissu commercial africain, pour que la liquidité ne soit plus un obstacle à la croissance, mais un moteur de développement.
Source : ZAWYA